PREMIER VOYAGE | 2005 | ISLANDE A VELO

Deux semaines de beau, deux semaines de pluie. De Keflavik à Landmannalaugar, Kirkjubaejarklaustur, Vik, le cercle d’Or, et pourquoi la piste F337 nous a ensorcelé.

 

 

Lors de notre premier voyage en Islande nous sommes accueillis avec la fine pluie islandaise, une température de 13° et une « slight summerly breeze ». Une brise qui se transforme en redoutable vent le lendemain et fait sortir l’eau des robinets – placés en plein air – à l’horizontale !

Ce récit raconte – en plus – pourquoi il est préférable d’avoir une bonne tente, pourquoi le proprio du camping de Leirubakki ne voulait pas nous vendre de l’essence, comment s’est passé la première traversée d’un gué, pourquoi à Landmannalaugar ça vaut la peine de rester quelques jours, pourquoi il faut toujours saluer les trolls, comment les Islandais préparent leur café, comment c’est possible de faire du 8 km/h sur un terrain plat, comment la théorie de Skogar est née, pourquoi à Vik il pleut toujours, et pourquoi la piste F337 était une révélation.

L'itinéraire du 16 juillet au 13 août 2005
 

Jour 1 | Zurich – Keflavik | en avion | 2650 km

Jour 2 | Keflavik – Reykjavik – Keflavik | en bus | 53 km

Jour 3 | Keflavik – Grindavik | à vélo | 42 km

Jour 4 | Grindavik – Strandarkirkja | à vélo | 50 km

Jour 5 | Strandarkirkja – Selfoss | à vélo | 50 km

Jour 6 | Selfoss – Leirubakki | à vélo | 65 km

Jour 7 | Leirubakki – Landmannalaugar | à vélo | 66 km

Jour 8 | Landmannalaugar | marche à pied | 8 km

Jour 9 | Landmannalaugar | marche à pied| 8 km

Jour 10 | Landmannalaugar – Holaskjol | à vélo | 45 km

Jour 11 | Holaskjol – Hrifunes | à vélo | 37 km

Jour 12 | Hrifunes – Kirkjubaejarklaustur | à vélo | 36 km

Jour 13 | Kirkjubaejarklaustur – Laki – Kirkjubaejarklaustur | sortie en bus

Jour 14 | Kirkjubaejarklaustur – Vik | à vélo | 67 km

Jour 16 | Vik – Skogar | à vélo | 48 km

Jour 17 | Skogar | jour de repos

Jour 18 | Skogar – Hella | à vélo | 68 km

Jour 19 | Hella – Geysir | à vélo | 87 km

Jour 20 | Geysir – Gullfoss – Geysir | à vélo | 22 km

Jour 21 | Geysir – Camp du Hlödufell | à vélo | 36 km sur les pistes F333, F338 et F337

Jour 22 | Camp du Hlödufell – Laugarvatn | à vélo | 38 km sur la F337

Jour 23 | Laugarvatn – Pingvellir | à vélo | 26 km

Jour 24 | Pingvellir – Reykjavik | à vélo | 55 km

Jour 25 | Reykjavik | à vélo | 10 km

Jour 26 | Reykjavik | à vélo | 26 km

Jour 27 | Reykjavik – Keflavik | à vélo | 50 km

Jour 28 | Keflavik | jour de repos

Jour 29 | Keflavik – Zurich | en avion | 2650 km

Islande à vélo - premier voyage en 2005

Jour 1 | Zurich – Keflavik | en avion | 2650 km | beau en Suisse, pluie en Islande

Départ sous un ciel radieux, à Zurich il fait 28°. L’aéroport est noir de monde, normal on est mi-juillet, en pleine haute saison. Un peu nerveux on fait le Check-In 3 heures avant notre vol, puisque prendre l’avion avec des vélos est une première pour nous. Mais tout se passe comme sur des roulettes et en plus les vélos voyagent gratuitement ! Nous avons assez de temps pour aller manger un morceau avant de nous diriger vers le gate. Au restaurant nous remarquons 3 métalleux et nous nous interrogeons sur leur destination – une heure plus tard on les voit embarquer sur notre vol !

L’atterrissage à Keflavik se fait dans le brouillard et sous la pluie, le thermomètre affiche 13° et le commandant nous informe qu’une « slight summerly breeze » souffle – bienvenue en Islande ! En 2005 l’aéroport est tout petit, et nous n’avons pas pris notre téléphone portable, mais heureusement dans la halle d’arrivée un guichet avec un téléphone fixe du Guesthouse Alex permet d’appeler pour demander le transfert. En attendant le minibus une chose nous frappe devant le kiosque : un présentoir à roulettes plein de bananes ! Nous trouvons cela pour le moins inhabituel et nous apprendrons plus tard qu’il s’agit de bananes islandaises, cultivées dans une serre chauffée par géothermie à Hveragerdi, dans le sud du pays.

La tente est vite installée sur la pelouse derrière le Guesthouse, mais pour les vélos c’est un peu plus compliqué. Monter un vélo sous la pluie n’est pas très agréable, nous nous sommes donc mis sous le couvert de l’entrée de la cuisine du camping. Un cycliste allemand nous demande : « Sind das ganz neue Räder ?» et regarde nos cartons vélos vides avec convoitise (visiblement il est sur le départ et à la recherche d’un carton pour son vélo). Nous y collons vite les étiquettes que nous avons reçu à la réception du camping et qui nous donnent le droit de stocker les cartons chez Alex jusqu’à notre départ du pays, dans 4 semaines. Nous les mettons ensuite tout au fond de la réserve prévue à cet effet, où règne un joyeux bordel; en espérant les retrouver pour notre vol de retour !

Attention, entre-temps pas mal de changements chez Alex Guesthouse : le camping n’existe plus, ni la possibilité de stocker les cartons vélos ! Voir aussi notre conseil pratique:

4 | Où laisser les cartons vélo à Keflavik ?

 

Jour 2 | Keflavik – Reykjavik – Keflavik | en bus | 53 km | beau, pluie le soir

Nous décidons d’aller en bus à Reykjavik, principalement pour acheter des cartes plus détaillées que celles que nous avons trouvé en Suisse, mais aussi pour visiter la capitale. Nous grimpons sur la tour de l’église Hallgrimskirkja et admirons Reykjavik vue d’en haut. Sur le chemin de retour le chauffeur s’arrête exprès chez Alex Guesthouse pour nous faire descendre du bus. On rencontre un couple de français qui finit son périple de deux semaines en vélo et qui a eu – deux semaines de pluie ! Cela jette un froid pour la suite … 

Jour 3 | Keflavik – Grindavik | à vélo | 42 km | beau, mais très venteux

Le vent nous montre directement qui commande dans ce pays : le jet d’eau du robinet placé à l’extérieur et en plein vent sort à l’horizontale ! Départ pour la première étape. Sur les 26 premiers kilomètres c’est le pied avec le vent de dos, mais après un virage à angle droit il vient de côté et c’est la galère. Plusieurs fois il nous pousse en dehors de la route, puis de la piste. Une bourrasque fait que Reno chute dans un talus, heureusement sans se blesser !

Le camping de Grindavik n’est rien d’autre qu’un terrain vague. Une cabane rustique sert de sanitaires, eau froide à volonté, mais sans douche. Et nous apprécions peu un couple d’allemands qui lave les langes de bébé dans le même bac où on fait la vaisselle…

Le camping de Grindavik est un bel exemple pour démontrer que les choses bougent parfois très rapidement en Islande : il s’est mué en 2011 en un camping moderne avec toutes les commodités qu’on peut souhaiter. Il offre notamment une cuisine et une salle à manger avec une belle vue et des sanitaires propres et (presque trop) chauffés, et bien sûr la douche chaude !

Jour 4 | Grindavik – Strandarkirkja | à vélo | 50 km | beau, mais toujours venteux

Le vent souffle toujours aujourd’hui. Juste après Grindavik une petite montée nous fait chauffer les mollets et le signe routier « Malbik Endar » nous souhaite la bienvenue : c’est la fin de la route goudronnée ! Nous ne savons pas encore qu’il va donner un jour le nom à notre blog. Rouler sur le gravier est très pénible, surtout dans les montées, mais au moins le vent s’est affaibli.

Nous apercevons deux cyclistes au loin, accroupis à côté de la piste. Que fabriquent-ils ? Nous nous arrêtons pour voir s’ils ont besoin d’aide. Les jeunes anglais ont simplement la fringale et sont en train de cuire des spaghettis sur leur réchaud à gaz ! Nous continuons sur la terre battue où ça roule un peu mieux et nous pouvons profiter du joli paysage avec un petit lac.

A Strandarkirkja nous installons notre tente sur le terrain d’une dame islandaise âgée, qui ne parle pas un mot d’anglais. Deux jeunes cyclistes ont déjà monté leur tente et planté leur drapeau finlandais devant.

Une douce soirée sans vent nous permet de cuisiner et de manger hors tente. Pour digérer, une petite promenade dans les environs s’impose. Nous sommes impressionnés par les ombres ultra-longues que nos silhouettes dessinent sur le goudron !

Jour 5 | Strandarkirkja – Selfoss | à vélo | 50 km | beau, puis couvert

Les premiers kilomètres sont assez variés et nous roulons sur terre battue. Une jolie montée et une descente de l’autre côté, puis c’est tout plat. Une belle plage avec du sable noir nous donne envie de faire une petite pause – il n’y a pas foule, nous sommes seules. Nous prenons la route via Eyarbakki, où se trouve Litla-Hraun, la seule prison de l’Islande. Une route rectiligne un peu monotone nous mène jusqu’à Selfoss. Nous croisons les deux cyclistes anglais qui nous racontent que leur tente « has broken down » et qu’ils doivent en acheter une nouvelle.

Jour 6 | Selfoss – Leirubakki | à vélo | 65 km | matin couvert, puis beau

Nous passons à l’office du tourisme pour demander des renseignements sur l’état des gués pour la piste F225, qui mène à Landmannalaugar. Un jeune islandais nous informe qu’ils sont « in its best conditions ». Bon, il faut dire que c’est le quatrième jour consécutif sans pluie – quelle chance ! Nous faisons les achats au supermarché Bonus  et la nourriture pour 7 jours en autonomie remplis bien nos sacoches – surtout le pain qui est très volumineux ! En Islande il n’y a pratiquement que du pain toast, heureusement il est un peu compressible…

On file sur la route pour Leirubakki et voyons pleins d’agriculteurs qui font les foins : c’est de bon augure ! A Leirubakki il y a la dernière pompe essence avant la piste; et accessoirement un camping sympa. La pompe à essence est à l’ancienne, c’est-à-dire que le propriétaire du camping vient faire le service en personne. Mais, en voyant les bouteilles MSR, il refuse de faire le plein – il ne connait pas du tout ce genre d’ustensile. Tant bien que mal Reno arrive à lui expliquer que c’est pour le réchaud et il nous vend finalement de l’essence. Après le souper, il pointe son nez devant notre tente pour vérifier que tout est en ordre. Reno découvre aussi que l’unique alcool vendu dans les campings est la bière légère à 2.5°. On en profite après une dure journée sous le soleil.

Jour 7 | Leirubakki – Landmannalaugar | à vélo | 66 km, dont 48 km sur les pistes F225 et F224 | beau

Départ à 09h45. Les premiers 18 km on roule encore sur le goudron, mais la route se transforme bientôt en piste. Pour quelques kilomètres on est sur la F26. Il fait chaud, au moins 26°, et le sol est très sec. Un camion qui nous dépasse nous enveloppe dans un nuage de sable pas très agréable – nous avons l’impression d’être sablés. Heureusement nous avons mis les « buffs » sur nos visages, qui nous protègent bien.

A la bifurcation avec la piste F225 on fait une petite pause. Au même moment, un 4×4 avec des plaques islandaises, s’arrête à coté de nous. Le conducteur ouvre son coffre où il stocke des centaines de cartes routières, soigneusement rangées dans une boite ouverte – nous sommes impressionnés ! Il cherche un petit moment, sort une carte routière et poursuit son chemin sur la piste F225 !

Nous faisons de même et quelques montées plus tard nous arrivons sur les hauts-plateaux. La piste n’est pas trop difficile et nous en prenons pleins les yeux : entre paysages lunaires, pâturages et champs de lave magnifiques, nous ne savons plus où tourner la tête !

Au km 45 une petite monté d’adrénaline : notre premier gué ! Le niveau d’eau n’est pas très élevé et nous pouvons passer sans enlever les sacoches, simplement en poussant les vélos. Les pantoufles d’eau s’avèrent être très utiles et nous passons aussi les 5 gués suivants sans problème, à part que l’eau est glaciale.

La piste devient ensuite plus difficile, avec des montées et descentes partiellement dans le sable : on s’enfonce, on dérape, on pousse … et on jure !

Le dernier gué de la journée est aussi le plus difficile : il y a beaucoup de courant et l’eau arrive jusqu’aux genoux. Nous devons enlever les sacoches avant pour pouvoir passer. Surprise, l’eau est tiède ! C’est en fait le surplus d’eau qui vient du bain thermal un peu plus haut. Exténués nous arrivons vers 20h sur le site de Landmannalaugar qui se trouve juste après le gué. Le site se résume à un camping au milieu d’une nature exceptionnelle. On y monte la tente, on prépare la popote et hop au lit !

Jour 8 | Landmannalaugar – Brennisteinsalda | marche à pied | 8 km | beau

Après une grasse matinée bien méritée, nous décidons de prendre un jour de repos – ou plutôt une journée de récupération active – puisque nous montons à pied sur le Brennisteinsalda. Magnifique point de vue sur les montagnes colorées de Landmannalaugar. Nous avons l’impression que le camping, avec ces tentes colorées, ressemble au camp de base de l’Everest et que nous sommes sur le toit du monde ! C’est la plus belle journée jusqu’à présent : ciel bleu, pas un nuage et pas de vent. Nous poursuivons notre randonnée jusqu’au Vondugil, un site volcanique avec des fumerolles.

Le soir nous nous prélassons dans l’eau chaude du bain thermal, après avoir pris la douche aux sanitaires pour 300 ISK = 6 CHF – mais au moins les bains sont gratuits ! Les bains ne sont rien d’autres que l’embouchure de deux rivières : une avec de l’eau chaude, une avec de l’eau froide, ce qui donne un mélange très agréable. Quel bonheur ! Il faut juste faire attention de ne pas se brûler les fesses, car à certains endroits l’eau qui sort du sol est bouillante !

 

Jour 9 | Landmannalaugar – Blahnukur | marche à pied| 8 km | beau

Incroyable, la chance que nous avons – il fait toujours beau et chaud ! Pour profiter à fond de ce beau site nous restons encore une journée sur place. Nous grimpons sur le Blahnukur, un autre point de vue, et allons explorer une belle vallée rouge avec une cascade et des fumerolles.

De retour au camping nous pensons faire quelques emplettes dans le minuscule magasin du camping, qui est aménagé dans un vieux bus scolaire, histoire de compléter le menu de ce soir. Les prix sont prohibitifs et pour finir nous n’achetons rien. Bon, il faut dire qu’amener la marchandise jusqu’ici n’est pas facile et fait augmenter les prix (un peu comme chez nous en Suisse dans les cabanes de montagne).

On se contente de manger notre sachet de soupe que nous avons acheté à Selfoss et les quelques tranches de pain qui nous restent. Nous ne savons pas encore que nous allons regretter notre souper frugal demain dans les montées raides de la prochaine l’étape !

Jour 10 | Landmannalaugar – Holaskjol | à vélo | 45 km sur la piste F208 | beau

Départ à 10h pile. La piste F208 est très vallonnée et avec beaucoup de gués – nous en avons compté une quinzaine. La plupart des gués sont très faciles et à la fin nous n’enlevons même plus les chaussures et traversons sur les vélos ! Le paysage est beau, mais dans les nombreuses montées nous peinons un peu à le voir. Elles sont raides, tellement raides que nous devons pousser les vélos ! L’énergie nous manque et tout cela à cause de la maudite soupe de hier soir… Peu de trafic pourtant, nous croisons juste de cyclistes et en haut d’une colline particulièrement raide, un minibus avec des touristes américains. Ils nous voient arriver en poussant les vélos et en tirant les langues. “Why did you come up-here by bike – didn’t you know ?” Notre réponse les laisse sans voix: “Oh, yes, that’s why we came!”

Le chauffeur nous indique un lieu à ne pas manquer, qui est sur notre chemin, mais un peu à l’écart : les gorges d’Eldgjà. Pour y accéder nous devons traverser un gué profond et large, mais puisque nous laissons les vélos sur la rive, c’est possible. Et effectivement, le chauffeur n’a pas exagéré, c’est de toute beauté ! Eldgjà est une fissure éruptive de 8 kilomètres de long, mais qui fait partie d’un système de cratères et de gorges de 75 kilomètres.

Une longue descente poussiéreuse nous mène ensuite dans une très belle vallée verte, et un peu plus loin un joli camping nous invite à rester la nuit. Il est 20h quand nous installons notre tente sur une petite ile, qui fait partie du terrain qu’un jeune et sympathique paysan propose comme camping.

Jour 11 | Holaskjol – Hrifunes | à vélo | 37 km sur la piste F208 | beau

Ce matin on prend notre temps et on ne part que vers midi. Une jolie étape à travers de vertes vallées, mais ce n’est pas tout plat. Quelques grimpettes, mais seulement une qui est vraiment raide. Arrivée vers 16h au camping où on trouve un bel emplacement à l’abri du vent. Le terrain n’est pas aménagé et il y a une cabane assez moche qui fait office de sanitaires, mais la douche est chaude et le camping gratuit ! Et en plus, de notre emplacement on ne voit pas les sanitaires. On a la fringale du cycliste, on se prépare un müesli pour le gouter et on fait une sieste au soleil !

Jour 12 | Hrifunes – Kirkjubaejarklaustur | à vélo | 36 km | beau

Ce matin on croise une de ces machines impressionnantes pour aplatir la piste, qu’on voit seulement en Islande. 10 kilomètres après on retrouve le goudron. Une ligne droite de 26 kilomètres nous attend à travers les champs de lave pour rejoindre le village au nom imprononçable : Kirkjubaejarklaustur. Joli camping avec pelouse et plein de place, nous installons la tente (toujours sous le soleil) et repartons faire quelques commissions pour le souper. Nous profitons aussi de faire une petite lessive et une grande sieste pendant que la machine tourne. Au camping il y a un abri ingénieux pour faire sécher le linge : les lattes de bois sont assez espacées, pour laisser passer le vent, mais pas la pluie et effectivement, ça sèche rapidement – c’est typiquement islandais !

 

Jour 13 | Kirkjubaejarklaustur – Laki – Kirkjubaejarklaustur | sortie en bus | beau

Nous n’avons pas le courage de faire cette sortie à vélo – ce sont 128 km aller/retour sur une piste difficile quand même – mais avons très envie de visiter Laki. Pour notre jour de repos nous nous offrons une sortie en bus – qui, pour la petite anecdote, met à peu près 6 heures pour faire le trajet. Le petit bus 4×4 Mercedes part devant l’Hotel Klaustur où nous payons les 5300 ISK par personne. Deux pauses nous permettent de visiter les gorges Bödmodstunga et la chute Fairafoss, avec arc-en-ciel s’il vous plait. Près de la chute un bus de « Adventure Tours » ne passe pas inaperçu et le groupe de touristes italiens qui en sort a même pensé prendre le « Rosato ».

Devant le premier gué un cycliste avec un énorme sac à dos arrête le bus et demande au chauffeur s’il peut monter. Il peut ranger son vélo dans la soute et le cycliste allemand trouve tout-de-suite une âme sœur dans le bus, à laquelle il raconte ses aventures.

Le bus s’arrête au pied du Laki et le chauffeur nous donne des instructions pour une randonnée de 2 heures aller/retour, qui nous permet de monter au sommet pour profiter de la vue. Elle est spectaculaire ! Nous voyons toute la chaine du Lakagigar et ses cratères volcaniques alignés sur 27 kilomètres. Elle s’est formée en 1783 avec une éruption gigantesque qui a duré plusieurs mois. La plus grande éruption de l’Islande a été une des pires catastrophes naturelles que le pays ai connu. Une grande partie du cheptel est mort d’intoxication, suivi d’une famine qui a tué un quart de la population islandaise. L’immense nuage de cendres a eu des conséquences jusqu’en Europe, où la famine a provoqué la révolution française. Le chauffeur nous conduit un peu plus loin et nous faisons une marche de 1 heure dans une ancienne rivière de lave.

Sur le chemin de retour le chauffeur nous raconte des anecdotes sur le café islandais et les trolls. Savez-vous comment les islandais préparent le café ? Voici la recette : verser un peu de café dans la tasse, verser ensuite du Schnaps jusqu’à ce que le breuvage devient transparent, reverser un peu de café, reverser un peu de Schnaps – et ainsi de suite ! Bon à savoir aussi qu’il faut toujours saluer les trolls. Ils sont un peu susceptibles et si vous ne le faites pas, ils vous jettent un mauvais sort ! Comment reconnaitre un troll ? Vous voyez un rocher avec une forme bizarre, qui rappelle vaguement un visage ou un corps – attention, il pourrait s’agir d’un troll.

De retour au camping, nous avons de la peine à retrouver notre tente : nous sommes encerclés de campeurs islandais. Certains ont tendu leur corde jusque devant notre entrée – et nous n’échapperons pas aux ronflements cette nuit. Les Islandais ont un autre rapport à la sphère intime que nous – la distance ils ne connaissent pas ! Tout le camping est plein, il n’y a plus de place. Pour les islandais c’est un long weekend et quand il fait beau ils partent en grand nombre camper quelque part pour profiter simplement du beau temps.

Jour 14 | Kirkjubaejarklaustur – Vik | à vélo | 67 km | beau

Nous sommes en train de paqueter nos sacoches et avons un peu étalé nos affaires sur la pelouse, quand la famille islandaise d’à côté nous aborde et demande comment nous allons faire pour mettre tout cela dans les sacoches ? Bonne question, mais tout trouve sa place – nous sommes chaque fois aussi surpris que les spectateurs. Nous passons à la pompe à essence du village pour regonfler nos pneus. Au même moment un bus part de la station, un vélo accroché à l’arrière. Un type dans le bus nous fait de grands signes et nous reconnaissons le cycliste allemand de hier. « Nous ne l’avons pas vu souvent sur son vélo !» remarque Sony. Nous pensons qu’il a fait deux grandes erreurs : opter pour un sac à dos de 70 litres au lieu de sacoches, et tenter une piste avec des chaussures cyclistes, qui glissent terriblement quand on doit pousser le vélo sur la caillasse. Nous sommes contents d’avoir pris des chaussures de marche, beaucoup mieux adaptées.

Toujours sous le soleil nous reprenons la route, la Ring Road, avec un léger vent de face, mais nous faisons tout de même entre 16 et 19 km/h. Nous traversons d’abord des champs de lave couverts de mousse, puis il ne reste plus que du sable : le fameux Myrdalssandur. Une étendu avec une route en ligne droite, pas un seule arbre, ni même un buisson. Ce qui pose un petit problème à Sony – où faire pipi ? Heureusement, elle découvre que régulièrement des tubes passent sous la route, juste assez grands pour être à l’abri des regards indiscrets. Les tubes servent à évacuer l’eau lors de la fonte de neige ou lorsqu’un Jökulhlaup se produit, une débâcle glacière.

Après 40 kilomètres nous faisons une petite pause à Laufskalavarda, un endroit où chaque personne qui passe doit construire un cairn – pour bien finir son voyage. Il est probable que nous avons fait une erreur lors de la construction des cairns – ou avons-nous oublié de saluer un troll ? Une chose est sure, juste après la pause, notre voyage se transforme en calvaire. Le vent commence à souffler tellement fort que nous avançons comme des escargots : nous faisons du 8 km/h – sur terrain plat ! Le pire, ce sont les larges sourires des cyclistes qui viennent d’en face, qui sont poussés par le vent, et nous font de grands signes. Nous serrons les dents et avançons péniblement. Il faut savoir qu’à chaque entrée du Myrdalssandur des panneaux sont posés, qui indiquent la force du vent. Il arrive régulièrement que la route est fermée, quand le vent est trop fort et risque, avec le sable qu’il emporte, d’enlever le vernis des voitures – ce qui n’est pas une blague ! Avec les dernières forces nous arrivons au camping de Vik. La réceptionniste nous informe qu’un tournoi de foot a lieu dans le village et qu’il est trop difficile de faire payer tout le monde : « Campground is free ». Effectivement, plusieurs champs ont été transformés en camping et on a l’impression que tout Reykjavik est descendu jusqu’ici !

 

Jour 15 | Vik | marche à pied | couvert le matin, pluie le soir

Par un petit chemin on monte à pied sur la falaise qui surplombe Vik et nous avons une très belle vue sur le village, sur Dyrholaey et presque jusqu’au Myrdalssandur. Les vraies stars de cette sortie sont néanmoins les macareux. On peut les approcher de très près, ils ne sont pas du tout peureux. Nous passons un magnifique moment à les observer.

Derrière le camping le plus grand bac à sable du monde fait fureur chez les petits islandais. Ils dévalent les pentes, comme des fous –  tous habillés d’une salopette imperméable !

C’est le premier jour où on ne voit pas le soleil depuis qu’on est arrivé, il y a deux semaines ! Le soir il commence à pleuvoir et plus tard le brouillard crée une étrange atmosphère. Cuisiner sous la pluie est un peu compliqué, mais Reno bricole un abri avec les deux vélos et un tarp. Nous sommes contents d’avoir une grande abside dans la tente et, en déboutonnant la cabine intérieure, nous pouvons même agrandir l’espace et manger à l’abri. Vik, pourtant situé dans le sud, est le lieu le plus pluvieux de l’Islande – nous pouvons le confirmer ! Avec 2505 mm de précipitations par année, il pleut 5 fois plus qu’à Akureyri ! Généralement le nord est moins pluvieux que le sud, particulièrement Akureyri qui est protégé des vents du sud : il ne pleut que 550 mm par année.

Jour 16 | Vik – Skogar | à vélo | 48 km | pluie le matin, ensuite temps changeant

Ce matin nous nous réveillons sous la pluie ! Nous décidons d’attendre une accalmie et partons vers midi en direction de Skogar. Nous roulons de nouveau sur la Ring Road. Après Vik une petite montée nous ralentit, mais la descente de l’autre côté est vite avalée. Nous bifurquons sur la piste 208 pour rejoindre Dyrholaey. Un site d’une grande beauté : une arche et une grotte taillé dans les orgues en basalte. La plage de sable noire est impressionnante, mais la prudence est de mise, car dans la zone il peut y avoir des vagues très dangereuses.

Nous reprenons la route, le paysage est assez monotone, le Myrdalsjökull se cache dans le brouillard et il repleut – bref une étape un peu pénible. Au camping de Skogar, superbement situé juste au pied de Skogafoss, l’accueil est humide. La pluie est amplifiée par l’humidité ambiante de la fameuse chute.

Nous sommes en train de monter la tente, quand nous remarquons, à coté de nous, une famille arrivée en voiture. La famille reste bien une demi-heure dans l’habitacle, avant de pouvoir se résoudre à sortir dans le froid et monter la tente sous la pluie. Nous nous sommes déjà réfugiés dans la tente et dans les sacs de couchage pour nous réchauffer, quand ils plantent la première sardine. Nous comprenons alors que pour nous, qui avons roulé à vélo sous la pluie, planter la tente sous la pluie et pouvoir se mettre à l’abri est une amélioration de la situation. Par contre pour la famille qui est arrivée en voiture, qui a probablement roulé toute la journée sous la pluie, bien au chaud dans la voiture, chauffage à fond, devoir sortir de la voiture demande un certain courage. Elle doit quitter la chaleur, se mouiller pour monter la tente sous la pluie, pour finalement entrer dans la tente froide et humide : donc vivre une péjoration de la situation. Conclusion : il est plus facile de voyager à vélo et faire du camping, que de voyager en voiture et faire du camping – surtout sous la pluie – la théorie de Skogar est née !

Une petite accalmie le soir nous permet de grimper jusqu’en haut de Skogafoss et de profiter de la belle vue !

Jour 17 | Skogar | jour de repos | pluie toute la journée

La pluie dicte le programme : on s’octroie une journée de repos. Une petite accalmie pendant le matin nous donne quand même envie de mettre le nez dehors.

Nous visitons le Folk Museum qui ne se trouve pas loin du camping. Nous découvrons pleins d’objets d’une époque révolue : des patins en os, des capotes pour béliers, des ustensiles de cuisine, un bateau à voile pour la pêche, des habits pour marins en peau traitée à l’huile pour les rendre imperméables. Un étrange personnage est en trains de jouer du piano et nous apprenons qu’il s’agit du fondateur du Musée, Þórður Tómasson. Il a passé toute sa vie à dénicher et collectionner des objets dans toute l’Islande. Il est décédé en 2022, à l’âge de 101 ans.

À l’extérieur se trouve l’Open Air Museum, qui est un « Mini Ballenberg » avec des maisons traditionnelles islandaises. Elles nous rappellent un peu les mayens suisses. Les toits ne sont pas en pierre, mais faits avec des mottes de terre – un isolant très efficace. Puisqu’il pleut de plus en plus fort, nous visitons aussi le Musée des transports qui expose d’anciens camions de pompiers, des snowmobiles, jeeps et tracteurs. Après-midi sous tente à l’abri de la pluie.

 

Jour 18 | Skogar – Hella | à vélo | 68 km | pluie et vent toute la journée

Malgré la pluie nous décidons de continuer notre route, une autre (demi)-journée sous tente ne nous motive pas ! Petite pause à Seljalandsfoss, une très belle chute où on peut marcher derrière le rideau d’eau. Une expérience très humide, donc pas la peine d’enlever notre accoutrement de pluie – et de toute façon il pleut toujours. Mais c’est notre jour de chance : nous avons le vent de dos, enfin ! Nous avalons les 68 km de l’étape en 2 heures 45 minutes. Nous avons l’impression de littéralement voler sur nos vélos.

Au camping de Hella nous profitons de faire une petite lessive, qui nous coûte la bagatelle de 20 francs suisses, mais c’était nécessaire. Pour épargner des sous, nous raccourcissons un peu le cycle du séchoir, et quand nous sortons le linge il n’est pas tout à fait sec. Au camping une immense tente vide attire notre regard et nous décidons d’y étaler nos habits pour les sécher complètement. Ce qui s’avère être une mauvaise idée, le lendemain matin ils sont encore plus humide !

Ce soir nous mangeons au restaurant du camping de Hella pour fêter notre étape. Nous profitons aussi d’appeler nos familles en Suisse – eh, oui, en 2005 les smartphones n’existent pas encore, et nous n’avons même pas pris un portable !

Jour 19 | Hella – Geysir | à vélo | 87 km | beau, puis orage, suivi des deux averses

Le soleil est de retour, ça remonte tout de suite le moral ! Au camping on rencontre un cycliste hollandais, qui charge aussi son vélo. Il a comme projet de traverser la mythique Sprengisandur, puis d’aller jusqu’à Askja. Nous l’écoutons avec des grands yeux et sommes loin d’imaginer qu’un jour nous allons aussi faire ces pistes fameuses !

Nous reprenons la route avec un léger vent arrière, ça roule bien, mais juste avant 14h on voit des éclairs et on entend le tonnerre gronder au loin. Nous réalisons que l’orage vient dans notre direction – oups ! On s’arrête pour avoir les vestes de pluie à portée de main, quand soudain Sony se fait attaquer par les fameux moucherons simulies, qui entrent dans les yeux, les oreilles, la bouche, les narines. C’est une expérience très désagréable et le seul moyen de s’en débarrasser est de prendre la fuite ! En tout cas ils ne nous poursuivent pas et on pédale comme des fous. Mais nous n’échappons pas aux averses, nous prenons deux fois l’eau juste avant Fludir et avant Geysir.

Nous installons la tente au camping de Geysir. Nous soupons tard parce qu’on préfère attendre que la pluie cesse pour faire la popote. Reno découvre que la canette de bière qu’il n’a pas bu hier soir et qu’il a mis dans une des sacoches, s’est percée : tous les outils et les pièces de rechange baignent dans la bière ! Sacrées sacoches Ortlieb, elles sont imperméables à 100 %  – même depuis l’intérieur! Bon, on nettoiera ça demain, parce qu’un spectacle de la nature nous attend : le Geysir. A notre plus grand bonheur il est réglé comme une horloge et jailli chaque dix minutes. Finalement, c’est le Strokkur qui projette l’eau chaude, puisque le Geysir a pris sa retraite, mais il a donné son nom à tous les geysers du monde. Nous sommes fascinés et passons le reste de la soirée devant cette attraction – à ne manquer sous aucun prétexte !

Jour 20 | Geysir – Gullfoss – Geysir | à vélo | 22 km | très venteux mais beau le matin et l’après-midi, quelques gouttes le soir

Ça souffle beaucoup aujourd’hui et nous décidons d’aller jusqu’à Gullfoss à vélo vide. Un terrible vent de face nous attend, mais cela vaut la peine car la chute est très belle. Nous avons même droit à l’arc-en-ciel qui se forme parfois au-dessus.

L’après-midi on nettoie les outils et les pièces de rechange avant de profiter du hot pot de l’Hôtel de l’autre côté de la route (car au camping il n’y a pas de douches) en se lavant avant le bain, bien sûr !

Le soir on retourne voir le Strokkur, mais il semble un peu fatigué, il est moins actif qu’hier.

Jour 21 | Geysir – Camp du Hlödufell | à vélo | 36 km sur les pistes F333, F338 et F337 | nuageux, beau le soir

Notre projet est d’aller sur le haut plateau et de faire 2 jours en autonomie pour rejoindre Laugarvatn. Aucune rivière ou point d’eau ne se trouvant sur notre chemin, c’est avec une réserve d’eau de 6 litres chacun que nous reprenons la route. On empreinte d’abord la piste F333 qui part de Geysir et qui monte parfois assez raide dans une petite forêt, mais au moins on est à l’abri du vent. Après 12 kilomètres on rejoint la F338 et son gravier. C’est difficile à rouler, en plus on a le vent de face, mais une très belle vue sur les montagnes bleues. Une montée nous occupe pendant 45 minutes à pousser les vélos, car elle est trop raide. Une fois arrivés sur le haut plateau nous suivons la piste qui devient sablonneuse et qui se faufile entre les rochers. Elle est très technique, avec beaucoup de cailloux, mais nous sommes au moins sur les vélos et nous prenons notre pied ! Au loin nous voyons deux langues glacières du Langjökull, avec une montagne noire au milieu – c’est trop beau ! Nous croisons quelques 4×4, qui s’arrêtent à chaque fois, pour voir si tout va bien ! Le soleil est de retour et le vent cesse quand nous bifurquons sur la piste F337. On commence à chercher un coin pour camper et c’est à 18h30 qu’on monte la tente un peu à l’abri, derrière un rocher. On profite d’un magnifique coucher de soleil !

Jour 22 | Camp du Hlödufell – Laugarvatn | à vélo | 38 km sur la F337 | couvert

En pliant notre tente on remarque des petits trous très étranges dans la toile : on dirait presque des brulures. En regardant de plus près le sable, nous remarquons qu’il contient des minuscules grains de roche volcanique – est-ce cela qui a causé, par abrasion, les dégâts ?

Le vent est de retour, mais cette fois il souffle dans la bonne direction ! Nous reprenons la piste F337 qui fait le tour du Hlödufell, une montagne noire et menaçante. D’immenses rochers, tombés de ses parois très raides, gisent à ses pieds, dans un champ vert. La piste est en terre battue et assez technique, mais pas trop difficile – en tous cas nous sommes sur les vélos.

Vers midi on arrive à Hlöduvellir où on piquenique derrière la cabane, à l’abri du vent. 4 motards islandais font hurler leurs bécanes et s’éclatent en faisant du hors-piste un peu plus loin. Nous sommes étonnés que même certains islandais ne respectent pas la loi – car c’est strictement interdit et sévèrement puni. Depuis la cabane on aperçoit un 4×4 qui fait demi-tour, d’après le bruit il a abimé son bas de caisse ! En repartant, on comprend pourquoi : la piste passe sur un grand rocher, qui est taillé comme une marche pour géants ! Pour les vélos pas de problème, il suffit de les porter, mais heureusement que nous sommes deux !

Le paysage change et devient désertique, la piste est maintenant faite de sable. Au début le sable est encore assez dur et on est sur les vélos, mais ça vire vite au cauchemar et on doit pousser les vélos. Reno s’énerve beaucoup et le fait savoir en jurant comme un camionneur ! Ce qui pompe toute l’énergie de Sony qui, ayant un meilleur sens de l’équilibre, prend de l’avance et au moins elle n’entend plus les gros mots de Reno. Elle réussit à rouler quelques mètres, avant de déraper – et de recommencer. C’est terriblement rageant, tellement fatigant, qu’elle commence aussi à jurer !

Et ce n’est que le début : on pousse un bon moment – maintenant aussi contre le vent – avant de se rendre compte qu’on doit faire demi-tour : on a pris une mauvaise bifurcation. Arrgh ! De nouveau dans la bonne direction, on continue à pousser dans le sable et en plus la piste commence à grimper. Une montée hyper raide dans la caillasse est extrêmement dure et nous sentons chaque gramme dans les sacoches. Nous montons comme deux escargots : deux pas, pause; deux pas, pause – et ainsi de suite ! Ouf, un bout plat arrive, il va nous permettre de souffler un peu. Que nenni : la piste passe maintenant dans un lit de rivière à sec, mais avec des gros cailloux – impossible de rouler sur les vélos. Alors, on pousse aussi sur le plat ! On voit la prochaine montée de loin et elle nous glace le sang, car elle est beaucoup plus longue que la précédente : chaque fois qu’on pense arriver en haut, ça continue à grimper…

Finalement, on y est : à nous la descente ! Au début ça roule bien, mais d’un coup la piste devient tellement raide et caillouteuse qu’il faut descendre des vélos – et les pousser ou plutôt les retenir – même à la descente !

On rejoint une route goudronnée et 5 kilomètres plus tard le camping de Laugarvatn. Un Français plante sa minuscule tente d’une place à côté de la nôtre. C’est un adepte de la MUL (marche ultra légère). Il parcourt l’Islande avec uniquement un sac à dos – et en courant !

Conclusion de cette journée épique : nous avons fait 38 kilomètres en tout, mais sur 25 kilomètres nous avons poussé les vélos. Ça nous a pris toute la journée et on a mal partout ! Mais c’est une étape qui va rester gravée dans notre mémoire, parce que justement c’était dur. Cette piste a été une révélation pour nous : elle nous a donné envie de faire d’autres traversées des hauts-plateaux en Islande ! D’ailleurs on vous la conseille, si vous avez juste envie de voir à quoi ressemble une piste sur les hauts- plateaux.

Jour 23 | Laugarvatn – Pingvellir | à vélo | 26 km | pluie et vent fort toute la journée

Nous plions la tente sous la pluie et entamons la première montée à vélo. Elle n’est pas trop dure, mais dans nos vestes et pantalons de pluie nous transpirons terriblement. Nous sommes mouillés à l’extérieur, comme à l’intérieur. La route n’est que partiellement goudronnée et nous retrouvons la piste, mais ça va, elle est en terre battue. Le vent souffle de plus en plus fort et dans les grimpettes les plus dures, nous sentons sa force dans le dos – il nous transporte littéralement, nous fait presque voler ! En haut il vient de côté et ça devient très dangereux, parce qu’il nous pousse vers les quelques voitures que nous croisons. Nous arrivons à Pingevellir complètement frigorifiés. Nous plantons la tente toujours sous la pluie, sur un terrain de camping désert. La douche bouillante et un chocolat chaud nous réconfortent avec cette journée pluvieuse.

Jour 24 | Pingvellir – Reykjavik | à vélo | 55 km | pluie la journée, sec le soir

Il a plu toute la nuit, et il continue de pleuvoir ! Nous remettons donc nos protections contre la pluie et allons quand même visiter Almannagia, la faille qui sépare les plaques tectoniques d’Europe et d’Amérique. Nous sommes étonnés de la largeur de la faille et apprenons que chaque année elle s’élargit de 2 cm. C’est aussi un lieu très important pour la culture islandaise : en 930, le premier parlement, l’Althing, a vu le jour – le plus vieux parlement en Europe quand même ! Ce site a été choisi pour son acoustique, qui porte loin les voix. De nos jours Almannagia fait partie du « Cercle d’Or » (avec Geysir et Gullfoss) et est visité par des milliers de touristes chaque année, mais aujourd’hui il n’y a pas foule !

A midi nous retournons à la tente et préparons des Tortellini in brodo, notre plat fétiche pour nous réchauffer et nous donner de l’énergie. Nous avons décidé de partir cet après-midi en direction de Reykjavik, parce qu’une autre nuit ici ne nous motive pas. Nous plions la tente toujours sous la pluie et reprenons la route. Dans un paysage vallonné, qui disparait dans le brouillard, nous rejoignons Mosfellsbaer et la Ring Road. La pluie cesse, mais nous retrouvons le trafic de la N° 1 au pire moment – à l’heure de pointe ! En 2005 le chemin vélo n’existe pas encore et nous prenons la semi-autoroute en direction de la capitale. Nous avons une carte de Reykjavik, mais elle n’est pas assez récente et la banlieue que nous traversons n’est pas indiquée sur la carte. On navigue un peu au bol et à un moment nous quittons cette artère à plusieurs voies, pour nous perdre complétement dans un quartier. Tant bien que mal nous retrouvons quand même le camping de Reykjavik, mais après avoir fait un détour d’au moins 8 kilomètres.

Le camping est situé un peu hors du centre à côté du jardin botanique, du stade de foot et de la piscine. Partout il y a des petites tentes colorées et il ressemble beaucoup à une ruche – tout le contraire du camping de ce matin où nous étions seules !

Jour 25 | Reykjavik | à vélo | 10 km | couvert, pluie le soir

Jour de repos, qu’on passe le matin au Kringlan, un centre commercial et l’après-midi on visite le centre de Reykjavik.

Jour 26 | Reykjavik | à vélo | 26 km | couvert

Petite virée à vélo jusqu’au phare de Grotta, puis à Nautholsvik, une plage alimentée par le surplus d’eau chaude de la ville de Reykjavik. L’après-midi on passe au Blue Lagoon, qu’on rejoint en bus depuis le BSI Bus Terminal, pour 3000 ISK par personne, avec l’entrée à la lagune. On se fait plaisir dans cette délicieuse eau laiteuse due à la silice, c’est juste ce qu’il faut pour récupérer ! C’est tellement bon, qu’on exagère et on sort avec une peau un peu fripée. En 2005 il y a très peu de monde, mais les choses ont un peu changé depuis – lire aussi notre article dans la rubrique “Conseils pratiques”.

Conseil pratique:

35 | Blue Lagoon – pourquoi pour nous c’était la dernière fois

Jour 27 | Reykjavik – Keflavik | à vélo | 50 km | fine pluie islandaise

Départ à vélo en direction de Keflavik à 5h le matin, pour éviter l’heure de pointe. Une fine pluie islandaise nous accompagne. Un brin inconscients nous prenons une des artères à trois voies pour quitter Reykjavik. Le problème sont les montées (quand même nombreuses, les environs de Reykjavik sont tout sauf plats) où nous roulons péniblement à 4 – 5 km/h, mais les voitures qui prennent les entrées déboulent à côté de nous à 50 – 60 km/h ! Ce qui crée des situations très dangereuses – heureusement il y a peu de trafic – mais ne faites pas comme nous ! Voir notre « Conseil pratique 37 – Comment aller de Reykjavik à Keflavik sans risquer sans vie ».

A 9h nous plantons notre tente au camping chez Alex Guesthouse et faisons une sieste jusqu’à 12h30. Visite de Keflavik l’après-midi.

Jour 28 | Keflavik | jour de repos | beau

Dernier jour de nos vacances ! On réserve le transfert de demain matin pour aller à l’aéroport. Dans le hangar on retrouve heureusement nos cartons, on démonte les vélos et on les mets dedans. L’après-midi on retourne en bus au Blue Lagoon, histoire de finir en beauté !

 

Jour 29 | Keflavik – Zurich | en avion | 2650 km en 3h15 | beau

Après une courte nuit, le réveil sonne à 4h. Nous avons très mal dormi, car il y avait beaucoup de vent et la tente des italiens à côté a fait « flop flop » durant toute la nuit. Il fait très froid et Sony met son collant long, bonnet et gants.

On démonte la tente et on paque nos affaires. On avale vite une barre en guise de petit déjeuner et c’est déjà l’heure du transfert. Le bus est déjà plein et nous devons attendre que le chauffeur revienne nous chercher. À 6h nous arrivons à l’aéroport. La halle du Check-In est noire de monde, mais heureusement une employée règle le trafic et nous explique comment faire avec les vélos. Il faut simplement les poser à côté du guichet N° 1, mais encore faut-il pouvoir traverser cette masse humaine avec deux chariots, un avec les deux immenses cartons qui nous bouchent la vue, et un avec les deux gigantesques sacs. Ce n’est pas une mince affaire ! Avec beaucoup de peine nous réussissons à le faire. Notre vol part à 7h20, c’est-à-dire dans 40 minutes, et nous sommes toujours dans la file d’attente devant le Check-In. La pression monte ! Enfin un guichet spécial pour le vol à destination de Zurich ouvre. À 7h on a finalement nos cartes d’embarquement en main et nous courons vers le control des bagages. Nous voyons nos vélos toujours au même endroit et nous nous demandons si un jour nous les reverrons ! On arrive au Gate 26 juste 10 minutes avant le départ. Il nous reste même un peu de temps pour dépenser nos dernières Krona – heureusement, car à l’époque on ne peut pas les changer à l’extérieur de l’Islande.

Décollage comme prévu à 7h20. Sony est contente qu’elle ait mis ses collants ce matin, car Icelandair fait honneur à son nom : la température dans la cabine est glaciale. Au point que tous les passagers réclament une couverture – à part les Islandais, bien sûr !

Atterrissage avec 3 minutes d’avance à Zurich. Le temps d’organiser deux charriots et de passer aux toilettes (où Sony enlève en urgence son collant long – eh oui, il fait chaud à Zurich…) nos bagages, y compris les vélos, sont déjà là. Magnifique !

Le retour à la maison nous semble bizarre après un mois de camping. Nous ne supportons plus les pièces fermées, on a l’impression d’étouffer, et on ouvre grand les fenêtres. Epuisés, mais heureux d’avoir accompli notre premier voyage à vélo en Islande, nous rêvons déjà d’y retourner !

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