Urho Kekkonen en skis et pulka – 10 jours en autonomie
Février / Mars 2024
Cela faisait longtemps. Il y a eu quelques problèmes physiques, puis le Covid, et encore quelques hésitations avant que l’on se dise qu’il nous fallait nous lancer dans une nouvelle aventure. Il y a bien eu quelques vacances en vélo, quelques bivouacs, des périodes de camping, mais rien qui nous fasse réellement sortir de notre zone de confort. Il était grand temps ! Nous étions en novembre 2023.
Il y a toutefois un élément avec lequel il nous faut compter, notre âge. Chaque aventure devient un chouia plus difficile, mentalement et physiquement. Mais on se force. On sait que cela sera dure, que les conditions seront difficiles et que notre capacité de récupération n’est plus celle d’il y a 10 ou 20 ans. Mais c’est aussi pour cela que l’on y va ! Cela nous maintient jeune et en forme.
Les préparatifs, la planification et l'organisation
Les préparatifs
On avait adoré le séjour en Finlande en janvier 2015 et le trek hivernal en Suède en mars 2019, donc il était assez naturel que nous soyons à nouveau tentés par la Laponie, mais pas celle en été, celle en hiver, avec le froid, la tente, la pulka, les skis de randonnée nordique et les imprévus liés à la nature sauvage qui vont avec.
Notre première option était de retourner dans les environs de Luosto, où nous avions séjourné pendant une semaine dans une cabane ; l’alternative était d’aller dans le parc national de Urho Kekkonen, près de Saariselkä. On a donc acheté des cartes papiers des deux régions (rien de mieux pour planifier un trek et avoir une vue d’ensemble). Des cartes exceptionnelles (Calazo) à l’échelle 1:50’000 et waterproof ; exactement ce qu’il nous faut. On a aussi acheté quelques livres et surfé sur Internet, à la recherche d‘expériences similaires qui pourraient nous inspirer.
On ne peut que grandement suggérer le livre « Hiking in Finland, Day trips and Backpaking Expeditions », de Jouni Laaksonen and Tapio Palvelut Oy, Karttakeskus, Helsinki 2019. https://scricfinia.wordpress.com/
On savait que l’on voulait être le plus autonome et isolé possible, se déplacer en ski de randonnée nordique, et dormir sous tente. On a donc imaginé un premier parcours dans les environs de Luosto, en travaillant avec les outils de planification de Garmin, mais on s’est assez rapidement aperçu que les pistes se trouvaient principalement en forêt, dans un environnement relativement sans relief. Cela peut être très beau pour 2 ou 3 jours, mais il nous était difficile de nous imaginer dans cette nature quelque peu « monotone » 10 jours ou plus. On a aussi remarqué que le parc de Luosto est petit et que nous aurions quelques étapes dans des zones habitées, c’est à dire où il y a quelques routes et maisons, pas en grand nombre, mais suffisamment pour ne pas avoir le sentiment d’être totalement immergé dans la nature.
On a donc focalisé nos recherches sur le parc de Urho Kekkonen (Urho Kekkosen en finlandais). En regardant la carte nous avons vite remarqué trois éléments importants : le parc est immense, il est très au nord par rapport à Luosto, et il n’y a rien, pas de route, même pas de sentier balisé, pas de maison, pas de réseau, que la nature et des cabanes pour se mettre à l’abri si besoin. De cela découleront deux préoccupations importantes, le matériel et l’orientation.
Un autre argument nous a convaincu d’aller dans ce parc : il est interdit aux motoneiges, à l’exception de celles des gardes du parc et des éleveurs de rennes. Il n’y a rien de plus horrible que d’être immergé dans le calme et le silence de la nature et être soudainement agressé par le moteur d’une motoneige.
Informations sur le Parc National Urho Kekkonen
Le camping n’est pas autorisé partout dans le parc Urho Kekkonen : il existe une zone avec des restrictions (Recreational Zone) où on ne peut pas mettre la tente librement, et une zone libre (Remote Zone) où on peut mettre la tente où on veut.
https://www.luontoon.fi/en/destinations/urho-kekkonen-national-park/services/hiking-services
L’orientation
En complément des cartes papiers et des boussoles, nous avons aussi acheté un nouveau GPS. Le model que nous avions prévu d’acheter n’étant plus disponible, nous avons opté pour le model avec la fonction inReach, le Garmin GPSMAP 67i. Et on a eu raison, car pour quelques dizaines de francs par mois on peut avoir, pour une période que l’on définit, un bouton d’alerte en lien direct avec les secours par géolocalisation satellitaire et la possibilité d’envoyer des SMS. En quelque sorte une assurance pour nous rassurer. Nous nous sommes aussi beaucoup exercés à nous orienter à l’aide d’une carte et d’une boussole, au cas où le GPS ne serait plus utilisable. Nous avons mis longtemps à comprendre comment tenir compte de la déclinaison sur la boussole, déclinaison importante au nord de la Finlande, et cela nous a créé quelques moments de stress, mais finalement nous avons, on l’espère, bien étalonné nos boussoles.
Les trajets
Nous avons travaillé sur plusieurs trajets possibles, afin de ne pas seulement avoir un plan B, mais aussi un C, un D, et un E. Pour chaque étape nous avions une idée des kilomètres, des dénivelés et du terrain ; mais ce que nous n’avions pas est une idée de la qualité de la neige, élément essentiel qui influence la vitesse de progression. La version la plus longue comportait 12 étapes pour un total de 153 kilomètres ; alors que la plus courte comportait 8 étapes, pour 90 kilomètres. Nous avions aussi le souhait de rester un ou deux jours au même endroit, dans une cabane que nous aurions loué, mais finalement, et avec les deux semaines à disposition, nous avons laissé tomber cette option. Aussi parce que nous aurions dû réserver la cabane à l’avance et donc être à cet endroit précis à un temps T, et cela nous ne pouvions le garantir. Nous voulions rester le plus libre et flexible possible.
La planification des trajets sur les cartes papiers et le GPS est importante car, mise à part sur les pistes de ski de fond au bord du parc, les sentiers ne sont pas indiqués dans le parc, aucune marque, aucun signe, aucun panneau, rien qui indique que nous sommes sur le sentier. Nous ne pouvons donc que nous fier soit au GPS, soit à la carte et boussole, soit aux traces des autres randonneurs. Et cela est quelque peu flippant avant le départ, car nous ne savons pas à quelles conditions nous allions devoir faire face. Nous nous devions donc d’être prêts pour toutes les conditions, même les plus difficiles.
Les batteries
Un autre élément important était l’impossibilité de recharger nos batteries durant le trek. Nous devions partir avec toute l’énergie dont nous aurions besoin, avec une marge au cas où. Nous sommes donc partis avec quatre powerbank de 30’000, 21’000, 20’000 et 5’000 mAh, pour pouvoir recharger pendant plus de 10 jours deux téléphones portables, le GPS, deux lampes frontales et une GoPro. Nous avions en plus 6 batteries chargées pour la caméra. Nous avons aussi confectionné des emballages de protection contre le froid pour l’ensemble de ces batteries, et cela fin qu’elles ne se déchargent pas durant les grands froids.
Les sacs de couchage et la tente
Concernant les sacs de couchage nous avions plusieurs possibilités. Des sacs de couchages grand froid ou pas, et en duvet ou synthétiques. Après de nombreuses discussions, nous avons opté pour deux sacs de couchage par personne, et cela afin d’être le plus flexible possible, car d’une part les températures peuvent varier grandement, et d’autre part nous pourrions être amenés à dormir en cabane. L’avantage de deux sacs de couchage est que vous pouvez les moduler selon les besoins et les conditions, les protections thermiques s’additionnant. Le désavantage est bien évidemment le volume que cela prend ; ce n’est pas vraiment un problème dans la pulka, mais cela peut l’être pour le voyage en train ou en avion ! Nous sommes donc partis avec, en température confortable, un -10° synthétique et -3° duvet pour Reno, et un -13° synthétique et -9° duvet pour Sony. A cela il faut rajouter nos matelas Exped Downmat UL (R4).
Il n‘y a pas eu de discussion concernant la tente. Pour chaque « expédition » nous comptons sur notre Hilleberg « Nammatj 3 », valeur sûre par excellence, que nous aimons bien car, mise à part sa qualité, elle a une grande abside où nous pouvons manger et stocker le matériel. Nous avons uniquement été attentif à prendre un arceau supplémentaire au cas où, ainsi que des sardines et ancres à neige.
Les skis et pulka
Nous avons aussi décidé de prendre nos propres skis de randonnée nordique, des Madshus Annum 78. L’unique matériel que nous aurions à louer sur place sont les 2 pulkas. Aux skis s’ajoute une paire de raquette par personne.
Le réchaud et la nourriture
Pas de discussion non plus concernant le réchaud à essence MSR qui nous accompagne depuis 15 ans. Nous nous sommes par contre replongés dans nos treks précédents pour estimer la quantité d’essence dont nous aurions besoin ; nous nous sommes arrêtés à 4 bonbonnes de 0.9 litre. On avait estimé à 3 dl d’essence par jour. Mieux vaut un peu trop que pas assez lorsqu’il s’agit de combustible pour pouvoir boire et manger !
Concernant la nourriture justement, nous avions vu sur Internet qu’un supermarché (Kukkeli) bien achalandé était ouvert tous les jours à Saariselkä. Nous ne devions donc pas nous préoccuper de la nourriture … sauf pour le déjeuner, repas très important et qui peut conditionner la journée. Comme pour les autres voyages, nous déjeunons toujours avec un müesli préparé maison (voir recette plus bas). Nous avons donc préparé un müesli pour 10 jours. Nous avions toujours utilisé de l’Ovomaltine, mais afin de limiter le sucre nous avons choisi, cette fois, de prendre du cacao en poudre sans sucre. Nous avons donc préparé 3 kilos de müesli et les avons conditionnés en 10 sachets, un par matin. Quelques jours plus tard on s’est dit que ce serait quand même bien de le gouter ! Et heureusement, car les 3 kilos étaient simplement immangeables, beaucoup trop amers avec le cacao sans sucre. Nous avons donc dû refaire nos trois kilos, mais cette fois sans cacao. On n’ose même pas imaginer comment auraient été nos matins si on avait dû manger cela.
Règle absolue : TOUJOURS TOUS TESTER AVANT LE DEPART ! Cela vaut pour le matériel, mais aussi pour la nourriture !
Le voyage
Pour la première fois en de nombreux voyages avec beaucoup de bagages, nous avons acheté un petit pèse-bagage ! On se demande encore maintenant pourquoi on ne l’a pas acheté avant ! Nous avions la possibilité de prendre chacun un bagage de 23 kilos et un bagage à mains de 8 kilos. Nous avions aussi un bagage supplémentaire de 23 kilos, et un sac de ski. Notre plus grand défi avant de partir a été de faire en sorte que tout ce dont nous avions besoin passe dans ces trois grands sacs, que ce soit au niveau du volume comme du poids. Impossible de se rappeler le nombre d’essais et de tentatives, d’équilibrages, de tris, de priorisations, pour finalement, le dernier soir avant le départ, arriver à fermer les trois sacs qui pesaient exactement 23 kilos chacun. Quel stress, mais aussi quelle satisfaction. Merci aux sacs de compression, aux sangles de serrage et au pèse-bagage !
Pour l’organisation du voyage nous nous sommes approchés de Kontiki, comme pour chacun de nos voyages nordiques. Nous avions besoin du vol, du transfert et de l’hôtel. Concernant l’hôtel, deux nuits au début nous ont paru essentiel afin, une fois sur place, de bien préparer le matériel, la nourriture, le chargement et un dernier contrôle météo et qualité de la neige (influençant le choix du trajet). Avec le chargement que nous avions, nous voulions éviter de changer d’avion, et avions donc prévu un vol direct de Genève à Kittilä ; mais quand nous avons reçu l’offre pour le transfert jusqu’à Saariselkä qui se montait à CHF 1’200.- aller-retour, nous avons choisi un vol de Zurich à Ivalo, avec une escale à Helsinski, et un transfert de CHF 150.- jusqu’à Saariselkà, aller-retour.
Début janvier, donc six semaines avant notre départ, une langue polaire exceptionnelle a submergé le nord de l’Europe avec des températures extrêmes de -44° à Enonteikö, endroit le plus froid en Finlande. Les températures de -20° à -30° dans le parc Urho Kekkonen, où nous allions nous rendre, étaient, elles, normales pour la saison. Cela a tout de même engendré quelques cauchemars et moments de doute et de stress. Nous avions même à ce moment prévu un nouveau trajet avec uniquement les cabanes, que nous avions pointé sur notre GPS, au cas où. Il faut savoir que le parc Urho Kekkonen est fameux pour ses cabanes chaque 10 à 15 kilomètres, cabanes de toutes sortes (de celles à louer à celles ouvertes sur l’extérieur) mais où on peut s’abriter en cas de grand froid. Heureusement, au fur et à mesure que la date de départ approchait, les températures remontaient ; peut-être même trop, car on est passé de -20° à 1° en trois semaines. Heureusement qu’on n’a pas acheté des sacs de couchage trop chaud ! Mais on se doit aussi d’être prêts au cas où les températures chuteraient.
Malgré les appréhensions, nous étions prêts. Nous avions imaginé tout ce qui pouvait l’être, nous avions testé le matériel, envisagé des trajets alternatifs, organisé le voyage, le transfert, les pulkas et l’hôtel… Nos familles étaient informées, et nos sœurs pouvaient nous suivre à distance grâce à MapShare.
Il ne nous restait plus qu’à nous laisser emporter par la nature et ses imprévus, et à profiter.
Que l’aventure commence !
L'itinéraire du 24.02. au 09.03.2024
Liste de matériel
Recette de Muesli pour 2 skieurs avec pulka pour 10 jours
Ingrédients :
12oo gr. de flocons d’avoine
400 gr. de poudre de lait pour bébé (plus nourrissant que la poudre de lait normale)
200 gr. de noisettes concassées
200 gr. d’amandes en batônnets
200 gr. de noix de coco râpée
200 gr. de raisins secs
50 gr. de fraises séchées Naturkostbar
50 gr. de myrtilles séchées Naturkostbar
Total = 2.5 kg : 2 p. = 1.25 kg : 10 jours =
125 gr. / jour / 1 pers.
250 gr. / jour / 2 pers.
Facultatif:
Cacao : mettre dans un Ziplock à part (1 cc par personne/par jour)
A la maison :
Mélanger tous les ingrédients dans un grand bol (c’est plus simple à préparer à la maison, parce qu’en voyage nous n’avons pas de grand bol…) et mettre 2 portions par jour dans petit sac de type Ziplock.
En voyage :
Faire chauffer de l’eau et mettre env. 11 – 11 cuillères à soupe (par personne) dans un bol. Ajouter l’eau chaude et déguster !
Jour -2 | Lausanne – Zurich | En train
On s’est levé tôt ce matin. On ne peut pas dire que l’on a dormi sereinement. Mais les sacs sont prêts, ainsi que nous, après le déjeuner, la douche, le rangement de l’appartement, l’arrosage des plantes et la commande du taxi. Celui-ci arrive à 13h30, et premier stress, le break familial a de la peine à contenir nos immenses sacs, mais on y arrive. Le chauffeur est un peu déçu d’apprendre qu’il ne doit nous conduire que jusqu’à la gare, et non pas jusque dans une station de ski du Valais comme nos bagages auraient pu le lui faire croire. On lui donne une généreuse bonne main. À la gare on rencontre Patricia notre voisine qui va faire le voyage avec nous jusqu’à Zürich. On refait le monde.
On a réservé une nuit au Radisson Blu Hotel, toujours aussi beau avec son immense hall d’entrée au milieu duquel trône une gigantesque structure transparente dont la couleur change. L’hôtel est aussi idéalement situé au sein même de l’aéroport. On laisse nos gros et lourds bagages à la réception, et après un petit repos on va manger à l’aéroport et visiter le Circle ; une vraie ville dans l’aéroport. C’est toujours aussi grisant de voir l’incroyable diversité des gens qui s’y croisent. Pour certains c’est la fin du voyage et pour d’autre le début !
Jour -1 | Zurich – Ivalo – Saariselkä | En avion et taxi
On a quand même décidé de déjeuner à l’hôtel ce matin, malgré le prix. Il était tôt car avec tous nos bagages, nous ne voulions pas stresser au check-in. Nous avions vu, avec étonnement, que nos billets d’avions indiquaient « business class », alors que nous n’avions rien demandé …. et rien payé ! Un probable « up grade ». Au check-in nous avons donc suivi les indications « business class » et sommes tout d’un coup entrés dans un monde qui nous était totalement inconnu ! Il n’y avait d’abord aucune file d’attente, on est arrivé en quelques secondes au guichet. L’employée a dû voir que nous n’étions pas habitués à ce standing, car elle nous a informé, que nous pouvions patienter dans l’Aspire lounge une fois le contrôle de sécurité passé. Pour ce contrôle nous étions aussi dans une file où il n’y avait personne.
Nous qui avions prévu une bonne heure de tractation et de stress (comme pour nos voyages précédents), nous nous sommes retrouvés en 15 minutes dans le lounge (après évidemment un contrôle des billets. N’entre pas qui veut !) avec vue sur les terminaux et de tout à volonté, boissons et nourriture. Quand on pense qu’on a payé une petite fortune pour une déjeuner à l’hôtel ! Si on avait su !
Nous sommes aussi restés prioritaires pour l’embarquement puis, dans l’avion, nous avons bénéficié non pas de sièges plus grands, mais de trois sièges pour nous deux. Donc tranquille, sans promiscuité avec le « bas peuple ». Le temps de grimper en altitude, de recevoir une serviette humide et chaude, un repas, des boissons, et nous redescendons déjà sur Helsinki pour un stop de 3 heures. Nous en profitons à nouveau pour patienter dans le lounge de Finnair et y manger et boire (sans alcool) à volonté. On prend vite l’habitude de ces petits plus ….
Il fait déjà nuit lorsque nous embarquons pour Ivalo, mais avant de décoller, nous observons un ballet d’avions, le nôtre y compris qui, tous, passent à travers un immense système de dégivrage des carlingues et des ailes. Très photogénique, avec cette nuit noire, ces lumières, et ces vapeurs.
Le vol de Helsinki à Ivalo a été parfait. Quand on était au-dessus des nuages on a vu de très, très belles lueurs, peut-être des aurores boréales, peut-être des lumières de villes, on ne sait pas, mais c’était beau. On est parti avec un peu de retard de Helsinki mais on est arrivé presque à l’heure à Ivalo, à 19h30. On sort de l’avion et on affronte la pluie-neige et le vent de la Laponie. Ça réveille et c’est bon. On ne se dépêche pas pour aller récupérer nos gros bagages car on sait que cela prend du temps, mais quelle surprise quand on arrive près du tourniquet, nos bagages sont déjà là en train de tourner, tous seul, et idem pour le bagage spécial des skis. Quand on sort de l’aéroport les autres passagers attendent encore leurs bagages ; mais ils n’ont pas une étiquette sur leurs bagages avec l’inscription « Prioritaire ».
Le chauffeur pour le transfert est déjà là avec une tablette sur l’écran de laquelle est inscrit notre nom ; fini le temps des cartons. Nous embarquons dans un mini van. Il fait déjà nuit et cela rend d’autant plus beau le paysage. Nous traversons des forêts sur une route couverte de neige et éclairée par les seuls phares du van. Il roule vite. L’impression visuelle, avec l’intérieur du van éclairé de lumières bleues et l’extérieur blanc, est hypnotique. Ça nous a pris environ une vingtaine de minutes à travers les forêts pour rejoindre l’hôtel Riekonlinna de Saariselkä. On s’installe dans notre chambre et on file au restaurant de l’hôtel, car il ne reste plus très longtemps ouvert. On avait averti l’hôtel que nous pourrions avoir du retard. Ils nous avaient informé qu’ils nous mettraient le repas commandé de côté si jamais. Il y a deux possibilités, soit le buffet, soit le restaurant « A la carte ». On choisit ce dernier car nous fêtons ce soir nos 36 ans de vie commune. L’endroit est très cosy et la carte alléchante. Quand on passe commande la dame nous dit « Mais vous ne seriez pas ceux qui risquaient d’arriver en retard ? Vous commandez la même chose qu’eux ! ». Et là on a réalisé qu’on avait oublié de les informer de notre arrivée. Le cuisinier nous attendait ! On a fêté avec un petit kir, une entrée succulente de spécialités laponnes « Lappish Delight », un repas traditionnel pour Sony et un hamburger-frites à la viande de renne pour Reno. De retour dans la chambre on a hésité à faire un sauna, qu’on a dans la chambre, mais il est 22h30, la journée a été longue et intense. On décide de faire une petite promenade avant de se coucher. Il y a une petite neige fine qui tombe, il ne fait pas trop froid (-1°) et tout est blanc. Il n’y a pas un bruit. La neige crisse sous nos pas. On est aux anges, car c’est ça qu’on est venu chercher. On va jusqu’au magnifique et majestueux portail qu’on traversera dans deux jours pour commencer notre périple.
Jour 0 | Saariselkää | Journée de préparation | Couvert, 1°
On se lève tôt ce matin car la journée sera intense et bien chargée. Première chose à faire, aller déjeuner. On trouve une place au bord de la fenêtre avec vue sur la rue blanche de neige et le ciel gris. On est doublement surpris, d’abord par la grandeur du buffet, mais ensuite par le fait qu’il n’y a presque que du salé ! La partie sucrée se résume à du Nutella. Il nous faudra chercher de quoi mettre quelque chose sur notre pain, et on trouve finalement des sortes de purées de fruits dans la partie müesli du buffet. La partie salée est, elle, bien achalandée avec du chaud, du froid, des salades, de la viande, etc… Par contre il y a un très bon choix de pains. Puisqu‘il y a beaucoup de français, on se retrouve tous au même endroit du buffet.
Après le déjeuner, Sony contacte Maria de Polar Creek qui doit nous livrer les pulkas. On a rendez-vous vers midi ; on a donc le temps d’aller jusqu’au Supermarket Kukkeli, l’unique supermarché du village. On y va à pied et on en profite pour visiter le village. Il ne fait pas si froid avec 1 degré. On a eu de la peine à trouver le magasin mais qui s’avère être super bien achalandé. Mais malheureusement pas de tortellini, notre plat principal ! On les remplace par des pâtes prêtes à l’emploi en sachet qui ont l’air bonnes. Il y en a trois sortes : aux épinards, tomates-mozzarella, et Carbonara. On s’arrête aussi vers les barres énergétiques, autre pilier de notre nourriture en trek. On en compte environ 3 par jour et par personne. On se retrouve donc avec plus de 60 barres. On complète avec du fromage, de la viande séchée de renne, des biscuits, du chocolat, des tortillas (qui remplacent le pain). On n’oublie pas d’acheter des allumettes et des briquets à la caisse et on paie le tout environ 300 €.
On rentre réceptionner les pulkas, une petite et une grande. La première impression est que cela ne nous suffira pas pour transporter tout ce dont nous avons besoin. Petit coup de stress, mais on verra cela après le buffet de midi. On se retrouve à la même place que ce matin avec un chili con carne et plein de garniture. Très bon, mais on a trop mangé.
Ce matin on a vu que la pompe à essence se trouve être proche de Kukkeli, on y retourne donc pour acheter les 4 fois 9 dl dont on a besoin pour les 10 jours ; 3 dl par jour avec une réserve.
Il ne nous reste plus qu’à paqueter pour être prêt pour demain. On a mis les pulkas dans la chambre pour simplifier le chargement. La première chose à faire est d’enlever le maximum d’emballages de nourriture et de tout ranger dans des Ziploc, par personne, par jour, et par type de nourriture (déjeuner, grignotage de midi, et repas du soir). On gagne ainsi du volume et du temps. Il est essentiel d’être très bien organisé ; chaque chose doit être à sa place. Il nous faut ensuite bien compresser les sacs de couchages, on en a quatre, ainsi que les sacs d’habits, eux aussi rangés par catégories de vêtements. On range ensuite le tout d’abord dans la pulka de Sony, la plus petite, et pour finir celle de Reno. On est rassuré, on a même encore de la place dans celle de Reno. Mais elles sont lourdes, très lourdes. Quel boulot ! Mais c’est important pour la suite.
On a vu aujourd’hui que la neige risque d’être relativement dure, en tout cas au début lorsque nous serons sur la piste de ski de fond. On décide alors de mettre directement les peaux sur les skis. Cela permet de mieux crocher pour les montées, mais aussi de nous ralentir naturellement lors des descentes. Avec le poids de nos pulkas cela est essentiel.
Ça, c’est fait ! On peut maintenant aller manger au resto de l’hôtel, A la Carte, comme hier soir. Sony a pris du poisson, alors que Reno a choisi un tris de viande de renne avec un morceau de cœur, un morceau de langue et un morceau « normal ». Tant le poisson que la viande sont excellents, vraiment un bon resto. Il manquait juste un peu de féculents, donc on a redemandé du pain. On a aussi profité d’un petit dessert pour finir en beauté.
L’ambiance est un peu étrange, car nous n’avons pas très faim, nos estomacs sont noués par l’appréhension. On ne peut s’empêcher de penser que dès demain on sera loin de tout pour 10 jours. On pense être bien préparé, mais il y a toujours des imprévus dans ce genre d’aventure. Il s’agira de garder l’esprit claire et de prendre les bonnes décisions. La météo sera avec nous, on tournera autour du 0° les prochains jours. Cela nous rassure questions températures, mais on risque de ne pas voire beaucoup de paysages ni d’aurores boréales parce que le ciel sera couvert. Cela ne fait rien. Depuis nos voyages en Islande on a l’habitude de prendre la météo comme elle vient. De toute façon c’est elle qui décide. On ne peut qu’apprécier le moment présent, tel qu’il est.
Pour tenter de se relaxer on allume le sauna qui est dans la chambre, mais on est déçu, car il n’est pas assez chaud. On n’a pas dû préchauffer suffisamment. Tant pis. Il est 22 h, on est prêt pour demain.
Jour 1 | Saariselkä – Niilanpää | 14.8 km | Dénivelé +348 et -204 | Couvert, venteux, quelques flocons, -1°
Après une nuit correcte, on déjeune, on vérifie la météo, on descend les pulkas devant l’hôtel et on fait le check out vers 10h30. On laisse une partie de nos bagages à l’hôtel que l’on récupèrera dans 10 jours au retour.
Départ à 11h sous un ciel gris. Il y a du vent, mais pas de précipitation. Heureusement, car cela signifierait de la neige mouillée ! On rejoint le portail (Lähtöportti) et la piste de ski de fond, que l’on longe afin de ne pas l’abimer avec nos skis larges. La neige est dure, heureusement que l’on a mis les peaux. Chargé comme l’on est, les skieurs de fonds nous regardent avec étonnement et nous sourient ou nous saluent avec dans le regard un « Les pauvres ! ». On longe quelques quartiers de chalets, puis on s’éloigne de Saariselkä en direction de Kiilopää. Plus on avance moins il y a de skieurs. On ne croise aucun pulkiste. Cela nous étonne. La piste est facile, mais les pulkas sont lourdes. On arrive à Kiilopää, qui est l’entrée officielle du parc Urhho Kekkonnen. On voit dans la forêt avoisinante des corbeilles en grillage …. On réalise que c’est un parcours de frisbeegolf ! On a de la peine à imaginer cela sous la neige, mais en été cela doit être sympa. On pourrait s’arrêter près d’un camp fire, mais il est trop tôt et on décide de continuer et de s’enfoncer dans le parc.
Dès que l’on entre dans le parc, la piste de ski de fond large et accessible au skating et au classique s’arrête, et la piste se limite ensuite à une trace bien balisée par des croix bleues. On est seul. A une bifurcation on prend une nature trail magnifique qui slalome entre les bouleaux nains et les pins ; le tout dans une belle poudreuse. C’est magnifique. On quitte la limite de la forêt et on aperçoit vers la droite un toit en contrebas de la piste. D’après nos informations, il devrait y avoir un camp fire (un foyer avec un abri pour stocker le bois), et une day hut (refuge de passage). Puisque nous nous trouvons dans la zone avec restrictions, nous devons planter notre tente à côté. Le camp fire est entièrement sous la neige, on ne voit que le toit de la structure ! Cela va être compliqué d’en profiter. Quant au refuge, il est occupé, deux pulkas sont parquées devant l’entrée et de la fumée sort de la cheminée. Pas de problème pour nous, car on a décidé de toujours dormir sous tente quand cela est possible. On trouve un petit coin en contre bas, il est 16h50. On a mis 1 heure 30 pour monter la tente car la neige est poudreuse et profonde. On pense la tasser avec les skis, mais en fait on s’enfonce encore de trente centimètres avec les raquettes. C’est long et fatiguant. Et même après cela on risque toujours de s’enfoncer jusqu’au genou. On a une magnifique vue au loin sur une lueur rouge qui semble sortir de la forêt. Les heures bleues créent une ambiance froide comme on aime. Après avoir creusé le puit froid dans l’abside de la tente on s’installe et finalement on commence vers 18h30 à faire fondre la neige pour obtenir l’eau pour les pâtes. On mange vers 19h30. On décide de faire fondre la neige pour demain. On verra si cela est une bonne idée ! Vers 20h on voit au loin des lueurs ; il fait nuit mais il y a encore des skieurs ! C’est incroyable de ne pas être installé à la tombée de la nuit. On les voit ensuite approcher de notre campement, trois pulkas et 4 ou 5 skieurs. Ils montent les tentes à la lampe frontale. On trouve cela incroyable, mais peut-être n’avaient-ils pas le choix !
On est crevé. On a mal partout mais cette première journée était magnifique. Les pulkas sont lourdes, mais elles vont s’alléger un peu chaque jour.
Jour 2 | Niilanpää – Suomunruoktu | 10.2 km | Dénivelé +108 et -228 | Couvert avec du brouillard, -3°
On a passé une bonne nuit, pas trop froide et sans vent. Reno est juste sorti vers 2h40 pour un petit besoin pressant. Il faut vraiment être motivé pour sortir du sac de couchage, mais c’est un réel plaisir de retrouver ensuite la chaleur du duvet la vessie vide.
Ce matin le paysage est féérique, car un brouillard givrant s’est installé la nuit et a déposé des cristaux de glace partout, sur la tente, les pulkas, les arbres, les skis. Tout est givré, enveloppé dans un léger brouillard. Et à cela s’ajoute la venue de quelques rennes ; que demander de plus. On voit à quelques dizaines de mètres en contre bas la bordure de la forêt. On comprendra vite que les rennes viennent brouter en dehors des forêts, là où le vent souffle et chasse la neige, qui est alors moins profonde.
On a dû quand même bien réchauffer l’eau ce matin pour le bircher et les boissons de la journée. On part vers 11h. On a mis 3 heures entre le réveil et le départ. C’est un peu lent, mais on s’améliorera avec le temps. On remarque quand même que comme d’habitude tout prend plus de temps avec la neige, le déjeuner, la toilette du matin, le rangement, etc. Il n’y a toujours pas de vent, et la température est agréable, -3°.
On branche le Garmin, car à partir de maintenant on quitte la piste, il n’y a plus aucun balisage. On ne peut compter que sur le Garmin, la carte et la boussole, ou les traces des autres skieurs. On est au-dessus de la limite de la forêt, et plus on monte, plus le brouillard devient épais. Le White Out s’installe, on a l’impression de marcher dans la ouate, visibilité zéro. Donc on oublie la carte et la boussole, car il n’y a aucun point de repère ; quant aux traces des autres skieurs, on ne les voit pas toujours, et parfois elles se confondent avec les petits sastrugi. On ne peut donc que faire des pointages réguliers avec le Garmin pour plus ou moins savoir où on est. On réalise que si le Garmin nous indique bien où on est, il ne nous indique pas de manière précise la direction à prendre à cause du brouillard. On hésite à laisser le Garmin allumé en continu, de peur d’utiliser trop de batterie, on ne sait pas quelle est sa consommation réelle. On ne peut donc que faire des pointages réguliers et corriger ainsi notre direction chaque 2 ou 3 minutes.
On ne voit rien, on est entouré de blanc. On sait que l’on doit redescendre vers la forêt, alors on « sent » le poids de la pulka, plus elle est lourde plus on monte, et plus elle est légère plus on descend vers la forêt. Chaque 10 à 15 minutes on échange celui qui fait la trace et qui guide. Pour finir on aperçoit des formes noires au milieu du blanc. On se dirigent vers elles, des arbres ; et on quitte le White Out. On verra après coup sur le tracé du Garmin que l’on a quand même bien zigzagué.
On se trouve maintenant à skier sur les arbres, car ces bouleaux nains sont couverts de neige. On ne voit parfois qu’une branche qui sort du sol, ou alors, plus dangereux, un gros vide, dans lequel on s’enfonce, avec le risque de ne plus pouvoir se relever, faute d’appuis stable et solide. Reno tombe deux fois, et c’est là qu’on remercie les heures de fitness et de renforcement musculaire. On descend une vallée, en naviguant sur et autour des arbres. On évite à trop descendre, de peur de se retrouver sur la rivière que l’on ne voit pas, car couverte de neige. On fait souvent des pointages pour s’en assurer. La neige est magnifique, poudreuse, légère, profonde. On est les premiers à la tracer. C’est presque dommage de la balafrer ainsi.
Tout est silencieux, immobile, juste le son de nos skis et pulkas qui glissent sur la neige, quand tout à coup notre œil est attiré par un minuscule mouvement à 4 mètres devant nous ; deux perdrix des neiges toutes blanches, avec juste leurs yeux noirs. Totalement camouflées, immobiles. On s’arrête pour les observer et ne pas les effrayer. Puis elles partent vers une autre branche de bouleaux nains dont elles mangent les graines. On ne voit plus que leurs traces en forme de W dans la neige. Juste magnifique !
On rejoint Suomonlatva, un laavu (un couvert à trois parois) vers 14h où on fait une petite pause. Mais c’est trop tôt pour s’arrêter, alors on continue ; et on trouve des traces de skieurs, traces que l’on suit sur 4 kilomètres ; merci à eux !
La pulka de Sony se retourne plusieurs fois, que ce soit dans un devers, ou lorsqu’elle tombe dans un vide formé par les bouleaux nains recouverts de neige. Il faut savoir que la pulka de Sony est plus petite et donc plus étroite que celle de Reno, donc plus susceptible de se retourner. Cela se passera malheureusement souvent durant ces 10 jours.
On serpente dans la forêt, dans une belle neige poudreuse ; c’est beau mais fatigant.
Finalement une large combe, au milieu de laquelle on devine une rivière couverte de neige. Et on aperçoit de l’autre côté au milieu des arbres en bordure de rivière la cabane, légèrement en hauteur. On l’atteint vers 16h30. Le camp est composé de trois bâtiments en bois, une réserve de bois, les toilettes sèches et la cabane principale divisée en deux, une partie libre d’accès et l’autre sur réservation. Il n’y a personne, mais on décide d’aller installer la tente en peu en arrière du camp, car étant donné que nous nous trouvons toujours dans la zone avec restrictions, nous devons mettre la tente à proximité de la cabane. La neige est très profonde, quelle galère. On est obligé de se déplacer avec les skis pour aller aux toilettes sèches, car même avec les raquettes on s’enfonce jusqu’aux genoux. On met environ une heure pour préparer le terrain et monter la tente. Nous sommes déjà un peu plus rapides qu’hier ! Puis on chauffe l’eau pour manger vers 19h15. Et quelle surprise de voir approcher un renard, qui s’arrêté à 3 mètres de nous et nous regarde, probablement envieux de nos pâtes. Puis il repart, sans même s’enfoncer dans la neige. Féérique visite. On reverra ses yeux brillants plus tard dans la nuit.
Il est 20h, tout est calme, pas de vent, il fait -3°. Quelle belle journée, pleine d’émotions.
Jour 3 | Suomunruoktu – Tuiskukuru | 12.9 km | Dénivelé +273 et -273 | Couvert et venteux
On se réveille vers 7h. Le ciel est toujours gris, mais il n’y a pas de vent car nous sommes dans la forêt. On déjeune en compagnie d’un bel oiseau qui probablement attend notre départ pour voir si on ne laisse pas quelques miettes.
On suit les traces qui vont dans la même direction que nous au travers de la forêt. Après une légère montée on se trouve en haut d’un petit raidillon, qu’il nous faut descendre. La piste est dure. On a deux possibilités, soit on enlève les skis pour mettre les raquettes et descendre en sécurité, soit on tente le coup à ski. La descente fait une vingtaine de mètres avec un virage serré à gauche au fond. Sony se lance en chasse neige, mais la neige dure et le poids de la pulka font qu’elle prend de la vitesse et le virage au fond se fait presque sur un ski en équilibre précaire. Reno se lance à son tour avec la même absence d’élégance. Gros coup de stress, car si un de nous était tombé, avec la vitesse et la pulka, notre aventure était terminée. Ce n’était pas malin de notre part !
Quelques centaines de mètres plus loin, on traverse une rivière sur un pont en bois pour atteindre un petit couvert : Aitalampi. On n’a qu’à suivre les traces bien marquées, un vrai boulevard qui grimpe en ligne droite vers le sommet. Après environ 20 minutes, on a un doute, car il nous semble que nous aurions dû longer la rivière. On sort le Garmin et effectivement on est faux. Quelle énergie perdue. On redescend donc vers Aitalampi, mais une fois-là, on ne trouve pas le chemin initialement prévu. On décide de se poser et de réfléchir. On sort la carte et le Garmin et on prend un peu de hauteur virtuelle pour finalement s’apercevoir que le chemin que nous avions planifié n’est pas marqué, mais que celui que nous venons de prendre va au même endroit à Tuiskukuru, par le haut de la montagne, via Vintilätunturi Fell. Entre un chemin non tracé en bordure de rivière et un chemin tracé par les hauteurs, on choisit la montée, au début super raide, où on est obligé de monter en canard, car les peaux ne crochent pas assez et les pulkas lourdes nous tirent en arrière !
Et on a bien fait, car plus on grimpe, plus le paysage est féérique, avec les arbres couverts de neige, la poudreuse, l’absence de trace, avec une magnifique vue sur les montagnes, dont Nattaset Fells, avec leur forme caractéristique ; le tout dans un vent fort. Puis on descend vers un plateau, il n’y a plus de traces et on navigue au GPS, on se perd souvent, et nous devons faire régulièrement des pointages pour corriger notre direction.
Quand soudain Reno tombe dans un trou. L’arrière de ses skis s’est enfoncé de presque un mètre. La pulka quant à elle est restée sur la neige. Penché en arrière comme il est, chaque fois qu’il essaie de se redresser il s’enfonce un peu plus. Sony voit que la neige est bleue sous les skis de Reno, signe d’une poche d’eau sous la neige ! Il n’a aucun support sur lequel s’appuyer. Sony le rejoint avec la crainte de tomber elle aussi dans un trou. Elle met sa pulka parallèle à Reno et lui tend un bâton. En s’appuyant sur la pulka de Sony et en s’agrippant au bâton, il arrive finalement à se redresser et à sortir du trou. On sort rapidement de cette zone dangereuse. Il s’avère que nous étions sur un marécage, une tourbière, avec l’eau qui crée un vide sous la couche de neige. C’était chaud, car il aurait été difficile de sortir si Reno s’était enfoncé jusqu’au sol. Notre aventure se serait peut-être terminée là, en appelant les secours.
On quitte le plateau et on remonte une pente en zigzag. Il n’y a pas de trace et il n’est pas facile de trouver le bon chemin. La neige est profonde, mais nous sommes de nouveau à l’abri du vent. On arrive au sommet, il est déjà 16h. On est cuit. Sans trace on doit faire des pointages réguliers, c’est long et fastidieux ; on n’avance pas ! Même la descente est compliquée car on doit faire attention de ne pas se laisser prendre par la vitesse. On est en chasse-neige, en slalomant entre les arbres. La pente est raide.
On retrouve soudain une trace qui semble aller dans la direction que l’on souhaite. Ereintés on décide de se laisser tenter par cette facilité ; qui nous mène à quelques centaines de mètres de la cabane que l’on voit au loin. Mais entre nous et la cabane, il y a un raidillon qui tombe directement dans la rivière. On cherche un passage moins raide, mais il n’y a rien. On va un peu plus à droite, où il y a toujours le raidillon, mais on n’arrive pas directement dans la rivière. Reno décide de se lancer. Il descend en longeant le raidillon sur la moitié de la hauteur, mais ensuite il doit tourner pour descendre l’autre moitié dans l’autre sens. Et c’est là que les difficultés arrivent, avec le risque de tomber, le risque de se laisser prendre par la vitesse, et le risque que la pulka se retourne. Il ne sait pas comment, mais il a passé en total déséquilibre. Sony le suit … et sa pulka se retourne. Sony est totalement bloquée dans la pente, avec la pulka retournée, et les barres tordues. Elle doit défaire son harnais en espérant que la pulka ne glisse pas en bas, puis, la remettre droite dans la bonne direction, puis refixer le tout et continuer. Elle fait un mètre … et la pulka se retourne à nouveau dans le devers. Reno déjà en bas ne peut pas remonter. Finalement Sony rejoint le bas du raidillon, saine et sauve, mais cette histoire à bien pris en quart d’heure
Mais les aventures ne finissent pas là car il y a encore la rivière à traverser. Il y a une petite passerelle en bois d’environ 50 cm de large sur 2 mètres de long ; mais elle se situe en bas, au niveau de la rivière. Avec la hauteur de la neige on est environ 1m 50 au-dessus. On doit donc glisser vers le pont, le passer et remonter de l’autre côté, sans tomber. Avec le poids de la pulka il y a toujours une fraction de seconde de retard, que ce soit dans la descente comme dans la montée. Reno se lance, la descente se passe bien, la pulka est droite, le pont est passé, mais la pulka dévie ensuite de sa trajectoire et l’arrière tombe dans l’eau à côté du pont. Reno est stoppé net dans la montée. Il doit utiliser toute sa force pour tirer la pulka sur la berge et arriver en haut de la pente. Ouf, c’était chaud. Au tour de Sony, pas rassurée par ce qu’elle vient de voir. On décide de passer sa pulka à pied, puis Sony à ski.
Finalement vers 17h25 et après 7 heures de randonnée, on arrive à la cabane. On est épuisé. La cabane est composée de deux parties, à droite Autiotupa (Open Wilderness Hut) où tout le monde peut s’installer, alors qu’à gauche (Reservable Hut) cela se fait sur réservation. Il n’y a pour l’instant personne dans la partie libre et on s’installe. L’espace est composée d’une table, de deux bancs, d’un poêle à bois, d’une planche avec deux bruleurs à gaz, et d’une banquette pour environ 6 à 8 personnes. Le tout est chaleureux, bien entretenu et presque cosy. Après s’être requinqué et avoir installé nos sacs de couchage (qui sont bien restés secs, malgré la petite aventure sur le pont), pour réserver notre espace, on va chercher de l’eau à la rivière. On prend les deux seaux en inox, on met nos raquettes et on se dirige vers la rivière … que nous n’atteindrons jamais. La neige est tellement profonde que l’on s’enfonce jusqu’aux genoux. On décide de faire fondre de la neige fraiche, mais c’est beaucoup trop lent. C’est là que nous entendons un groupe de 6 personnes arriver. On observe à travers la fenêtre les trois hommes qui entrent dans la cabane réservée. Nous sommes soulagés ; solitaire comme nous sommes nous espérons tellement être seul ce soir que l’on a craint un bref instant la surpopulation, la promiscuité, les ronflements, les affaires partout. Les trois femmes, elles, sont allées directement à la rivière avec les skis pour aller chercher de l’eau. On reconnait là des randonneuses d’expérience. Reno met lui aussi ses skis, les suit, remplit ses deux seaux et se réfugie au chaud. L’atmosphère est chaleureuse, avec un reste d’heures bleues, le feu qui crépite dans le poêle, l’eau qui chauffe pour les pâtes et le thé, et le corps qui se détend. On prépare la journée de demain. Magnifique soirée, ce soir nous avons l’immense chance de dormir seuls dans la cabane.
Jour 4 | Tuiskukuru – Luirojärvi | 8.8 km | Dénivelé +194 et -192 | Couvert et venteux, -1°
Grave erreur cette nuit, on a dormi avec les sacs de couchage les plus chauds ; ok pour Sony, mais pas pour Reno ! Quelle chaleur, mais avec la cabane qui se refroidit au fur et à mesure que la nuit avançait, à la fin la température était agréable. Le pire était que nous avions prévu ce cas de figure en prenant chacun un deuxième sac de couchage moins chaud ! Mais bon … on apprend toujours !
On se lève vers 7h45 et on déjeune dans un agréable 10 degrés, qui nous semble d’un luxe incroyable, comparé aux températures qu’il fait sous tente.
Avant de partir nous demandons notre chemin à nos voisins, car ils sont arrivés hier soir depuis la direction que nous souhaitons prendre ce matin. Une des femmes nous indique un chemin tracé, mais qui n’est pas celui que nous avions envisagé. Tant pis, on s’appuie sur l’expérience des randonneurs autour de nous, et on suit cette piste, qui de toute façon arrive où on souhaite aller ! Et on a bien fait de suivre cette trace, elle est magnifique, elle grimpe en serpentant dans la forêt. Elle disparait parfois, mais nous la retrouvons plus loin. Nous arrivons sur un plateau quelque peu marécageux d’après Garmin. Après notre dernière expérience, on craint un peu, mais puisque les traces sont bien visibles on décide de les suivre. On traverse ainsi deux petits cours d’eau sans problème. On croise même deux gardes forestiers sur des motoneiges ! Autant dire que les ponts de neige sont solides. On a aussi croisé un groupe de randonneurs en pulka et raquettes.
On redescend vers le lac de Luirojärvi par une piste avec des bosses. A chacune d’elle la pulka nous tape dans le bas du dos. Pas génial, mais ça descend et nous arrivons au bord du lac sans effort. On décide d’aller planter la tente vers la place de feux à gauche qui borde le lac, place autorisée pour le camping. Après plusieurs hésitations, et sans avoir trouvé le foyer en question sous la neige, on s’installe au bord du lac sur un petit plat vers 14h. La vue est féérique sur ce lac gelé. Toujours une fatigable mais véritable plaie que de devoir tasser la neige avec les skis. Après 1 heure 30 d’effort, la neige est tassée et la tente montée, avec un puit froid qui va jusqu’au sol, ce qui est pratique. On s’offre notre première petite sieste entre 16h15 et 17h15. C’est facile d’entrer dans le sac de couchage, mais plus difficile d’en sortir ! Le ciel est toujours couvert et nous ne voyons pas les montagnes autour – dont le fameux Sokosti. Peut-être demain ?
On soupe vers 18h15 puis on sort les gants en latex pour la vaisselle, qui se résume à un frottage avec de la neige.
Le journal de bord est complété vers 19h30, fin de la journée après une petite visite au coin toilette que nous avons créé sous un arbre, à l’abris des regards, mais avec une vue imprenable sur le lac.
Jour 5 | Luirojärvi | Jour de repos | 4.8 km | Dénivelé +25 et -25 | Couvert et venteux, 1°
On se lève vers 8h45 sous un ciel gris. Il a un peu neigé cette nuit, mais avec un fort vent. C’était un peu comme des avions à réaction qu’on entend arriver au loin, qui nous surplombent et qui s’éloignent. Heureusement qu’on est un peu à l’abris dans la forêt.
On est tranquille ce matin car nous avons décidé de rester ici un jour afin de nous reposer et de profiter. Donc ce matin c’est fête, car nous n’avons pas à démonter la tente. Youppie !
On déjeune, puis on en profite pour chauffer de l’eau pour une première toilette intime depuis 5 jours ! On en a bien besoin et cela fait du bien. Même si sous la tente c’est un peu la gymnastique. On soigne aussi les petits bobos et on change les pansements.
Nous sommes à nouveau frais et dispo vers midi pour une promenade de récupération active. Puisque le Sokosti est toujours dans les nuages, on envisage d’aller jusqu’au Kota (cabane à l’ancienne) de Raappanan Kammi. On commence par traverser le lac gelé, jusqu’aux cabanes de Luirojärvi, qui sont privées, ou à louer. Le coin est charmant, en bordure du lac. Il y a même un sauna et des toilettes sèches communes pour la dizaine de cabanes. C’est un lieu très recherché et apprécié des finlandais.
On trouve ensuite une trace que l’on suit. A un certain moment on décide de suivre le chemin indiqué par Garmin ; mauvaise idée. On se remet sur les traces qui vont dans la direction souhaitée. On croise encore de belles petites cabanes certainement privées.
On s’approche des tourbières et des rivières avec toujours un peu d’appréhension. On ne trouve pas le passage, et la rivière est souvent invisible. On la longue, mais à un certain moment on décide de rebrousser chemin, et c’est à ce moment que l’on voit une mini trace de skieur qui traverse la rivière. On voit que sur le Garmin ce passage est indiqué car il doit y avoir un petit pont en bois pour les promeneurs en été. Le problème est qu’en hiver tout est sous la neige et se fier au GPS est limite, car un mètre à droite ou à gauche du pont que l’on ne voit pas et on risque de tomber dans la rivière. Pas pour nous !
On retrouve le Rajankämppä Open Wilderness Hut (OWH) que l’on a croisé peu avant et on décide de piqueniquer à l’abris, car il fait toujours gris et il y a un petit vent frisquet. Petite cabane en bois avec un unique espace composé d’une table, d’un fourneau et d’un dortoir. Juste avant que l’on reparte, trois tchèques arrivent ; ils semblent contents que l’on ne reste pas, comme cela ils ont la cabane pour eux seuls cette nuit. Ils sont à la recherche de deux estoniennes qu’ils ont croisé les jours précédents. On voit sur le livre d’or de la cabane qu’elles y étaient la nuit précédente. On leur explique que l’on dort sous tente de l’autre côté du lac ! Ils nous regardent avec des grands yeux. On échange quelques mots, car nous allons dans la même direction ces prochains jours. On risque donc de les croiser à nouveau. Ils sont sympathiques. On les laisse s’installer et on retourne vers la tente.
En passant devant la réserve de bois du village, on décide d’en prendre un sac. Ce n’est pas du vol, car nous sommes dans le quartier, même si nous sommes de l’autre côté du lac ; et c’est pour la bonne cause.
De retour à la tente, on creuse la neige pour préparer notre coin BBQ de ce soir. Il est 15h30 lorsque nous pouvons finalement nous relaxer et écrire notre journal de bord.
Il commence à neigeoter. On prépare le souper ainsi que le foyer. La grillade se compose de simples cervelas finlandais. L’ambiance est féérique avec le feu, la neige qui tombe et le lac gelé au loin. Mais avec la neige on est vite mouillé, et vers 19h on est de retour au chaud sous la tente. On en a aussi profité pour vérifier que les messages automatiques du Garmin inReach fonctionnent. Tout est en ordre. Il continue à bien neiger. On verra demain.
Jour 6 | Luirojärvi – Camp de l’Autoroute | 10.2 km | Dénivelé +207 et -183 | Brouillard et neige, 1°
Le camp est blanc de neige fraiche ce matin, il y a bien 5 à 10 cm. On a décidé hier que vu les conditions réelles, notre itinéraire initial n’était pas réaliste. On opte donc pour retourner en direction de Suomonruoktu par un autre chemin. Cela nous fera une belle boucle de 10 jours.
On lève le camp sous un ciel gris, une perdrix des neiges s’envole à notre passage. En quittant le lac gelé on y voit un pécheur sur glace ; Reno l’envie. On remonte le chemin pris il y a deux jours.
Sur le chemin vers Tuiskukuru, on croise beaucoup de randonneurs avec pulkas. On remonte une combe dans le brouillard, puis la descente sous la neige. On décide de piqueniquer à la cabane de Tuiskukura, pour ensuite explorer sans pulka le début d’une piste indiquée par Garmin pour rejoindre Kotaköngas. On longe la rivière Tuiskujoki sur quelques centaines de mètres sans trouver le chemin. En revenant vers la cabane on comprend que le chemin grimpe sur la corniche qui surplombe la rivière. La neige est tellement profonde qu’après une dizaine de mètre on abandonne. On se voit mal s’embarquer sur cette piste à l’aveugle, en bordure de corniche.
De retour à la cabane on croise à nouveaux nos trois tchèques. Et quelle surprise ils nous tendent une grande plaque de chocolat ! C’est la plaque de chocolat que Sony avait volontairement abandonné à la cabane de Luirojärvi où on les avait croisés. Ils ont cru qu’on l’avait oubliée, et l’ont prise avec eux en espérant nous croiser pour nous la redonner. Incroyable. On leur explique que « qui porte, mange ». Ils nous regardent avec un grand sourire.
On échange sur la suite. Ils souhaitent prendre le chemin que l’on vient d’explorer, mais on les dissuade. On leur explique que l’on va retourner vers Suomonruoktu en passant par Salonlampi ; mais que le passage par les montagnes que l’on a emprunté pour venir il y a 4 jours est magnifique. On leur montre sur la carte papier (échelle 1:50’000), puis sur leur portable, où passer. Ils ont du matériel rudimentaire (même pas de carte papier), et nous expliquent avoir dû dormir une nuit dehors dans les couvertures de survie, car ils n’ont pas de tente ! Ce soir ils dormiront dans la cabane de Tuiskukuru, alors que nous, nous continuons encore afin de trouver un coin sympa pour planter la tente.
On repasse le fameux pont et on grimpe sur la corniche qui a fait chuter Sony il y a quelques jours ; puis on s’enfonce dans la forêt. La grimpée est difficile, il neige, et on a de la peine à trouver un coin sympa pour la tente. On croise plusieurs groupes de randonneurs, qui essaient de se frayer un chemin en descente. On quitte le chemin pour s’en éloigner, et finalement on décide de s’installer sur un petit plat sous un grand sapin. La neige est profonde, et on doit la tasser longtemps. Il continue à neiger et on commence à être mouillés. On a une belle vue sur les forêts finlandaises car nous sommes un peu en hauteur en flanc de montagne. Les heures bleues arrivent, la nuit s’installe et on entend encore des randonneurs qui descendent à ski, avec les lampes frontales. Quel monde : ce qui nous inspire de nommer notre campement « Camp de l’autoroute ». On espère pour eux qu’ils ont réservé la cabane de Tuiskukuru, car la cabane libre héberge déjà les trois tchèques ! Il risque bien d’y avoir surpopulation et promiscuité ce soir à Tuiskukuru.
C’est pour cela que nous préférons la liberté de la tente, même si cela se paie en efforts, temps, froid et absence de confort. Mais quel plaisir de se glisser dans les sacs de couchage après une journée d’effort et un bon repas chaud.
Jour 7 | Camp de l’Autoroute – Salonlampi Laavu | 6.9 km | Dénivelé +96 et -193 | Neige mouillée, temps changeant, soleil le soir, 1°
Il est tombé de la neige mouillée toute la nuit. On se lève vers 8h. Il neige toujours. Tout le matériel est mouillé, ainsi que la tente. On n’a pas trop le moral ce matin dans ces conditions. Le départ est compliqué avec une tente mouillée qui pèse une tonne. On voit au loin une éclaircie, et il arrête de neiger lorsque nous partons vers 11h.
On décide de se laisser guider par les traces qui partent vers la droite ; on ne prendra donc pas le même chemin que pour l’aller, mais celui qu’on avait initialement prévu, sans monter sur le sommet Vintilätunturi Fell. Le paysage est très beau, et plus plat qu’à l’aller. On traverse d’abord une large vallée, où on passe d’une combe à l’autre, qui devient de plus en plus étroite. Après un raidillon on se retrouve dans une gorge et on essaie de longer la rivière Vintilägja. C’est parfois très technique, que ce soit en devers, dans les virages ou en descente dans la poudreuse. Sony n’aime pas du tout ces passages et bien sur sa pulka se renverse plusieurs fois, parfois en situation périlleuse en bord de rivière. On traverse aussi quelques ponts de neige, toujours avec une certaine appréhension. On ne croise personne, malgré la beauté du paysage et son côté sauvage.
On arrive vers le milieu d’après-midi au Salonlampi Laavu. Il s’agit d’une structure ouverte sur un côté composée d’une unique plateforme avec un foyer ouvert devant. Il y a aussi une toilette sèche à une dizaine de mètres de là, ainsi qu’une réserve de bois. Ce Laavu est en bordure d’un petit lac gelé. Il est un peu tôt pour s’arrêter alors on décide, comme cela est indiqué sur la carte et sur le Garmin, de contourner le lac. On trouve un début de traces, mais qui disparait rapidement, nous obligeant à nous enfoncer dans la poudreuse ! Après une vingtaine de mètres d’effort, on abandonne. Impossible dans ces conditions d’arriver jusqu’à Suommunruoktu avant la nuit. On décide alors de profiter du Laavu et des derniers rayons de soleil. Quelle merveilleuse décision !
Il y a bien sur le risque que d’autres randonneurs arrivent et que l’on doive partager l’espace, mais on verra. Pour l’instant on s’installe. Le ciel se découvre et les derniers rayons de soleil filtrent à travers la forêt. La lumière est magnifique. On espère même à un certain moment qu’il y ait des aurores boréales la nuit. On va chercher ensuite quelques sacs de bois et on allume le feu, après que Reno ait arrangé le foyer comme il se doit. Féerique soirée avec le feu, la forêt et le lac gelé. On en profite un maximum. Un beau moment de plénitude, avec même la visite rapprochée de notre ami goupil.
La température chute et nous sommes contents de nous glisser dans nos sacs de couchages, sans avoir à monter la tente. On est au sec, à l’abris du vent. La nuit s’annonce belle et profonde.
Jour 8 | Salonlampi Laavu – Camp du Soleil | 7.4 km | Dénivelé +133 et -51 | Neige le matin, soleil l’après-midi et le soir, -5°
La nuit a été effectivement magnifique, mais froide. Il neige ce matin. Il fait -5° lorsque l’on se lève. Tout ce qui était mouillé hier est maintenant gelé. Les lacets de nos souliers sont durs comme des fils de fer et collés au sol.
Pour préparer les litres d’eau dont nous avons besoin, nous avons un petit sac Ikea et une pelle. Cela nous permet de nous éloigner du site de quelques mètres afin de trouver de la neige fraiche et propre en suffisance et de l’amener près du réchaud. On peut ensuite progressivement la faire fondre.
Après un petit déjeuner on décide de ne pas longer le lac gelé mais de le traverser. On voit beaucoup de traces, y compris des traces de motoneiges et de pulkas ; cela devrait donc aller ! On traverse donc le lac sur toute sa longueur, cela nous fait probablement gagner plusieurs heures d’efforts.
On croise plusieurs randonneuses finlandaises, une avec une pulka en bois magnifique, une avec deux petits chiens qui trainent la pulka, et deux autres plus « normales ». On avait déjà remarqué cela en Suède, le grand nombre de femmes jeunes ou moins jeunes qui randonnent seules.
On arrive dans l’après-midi à la cabanne de Suomonruoktu que l’on a quitté il y a 5 jours. Lorsqu’on y était il n’y avait personne, que peu de traces de passage, et des toilettes sèches presque vides. On la retrouve avec des traces de tentes partout, et surtout des toilettes sèches qui débordent. Autant l’endroit était charmant, autant il ne l’est plus. C’est comme si des dizaines de personnes l’avait « souillé » en 5 jours. On a eu de la chance.
On décide donc de ne pas s’y arrêter et de continuer encore une heure ou deux.
Avec le froid qu’il y a eu et le nombre de pulkas et skieurs, la piste est gelée, et lorsque l’on se trouve en face d’un raidillon, il y a deux possibilités avec nos lourdes pulkas. Sony décide d’attaquer de front en montant en canard, alors que Reno décide de quitter la piste et de zigzaguer dans la poudreuse. Sony a probablement attendu Reno une dizaine de minutes en haut de raidillon, le temps qu’il se dégage de la poudreuse profonde dans laquelle il était tombé avec ski et pulka. La honte !
Il fait grand soleil, le ciel est bleu limpide, mais il ne fait pas vraiment chaud car à midi le soleil n’est même pas à mi-hauteur de l’horizon.
On décide quand même de s’arrêter plus tôt que prévu afin de profiter du soleil. On quitte donc le chemin afin de rejoindre une grande clairière. Dans le parc Urho Kekkonen il existe une zone avec des restrictions (Recreational Zone) où on ne peut pas mettre la tente librement. A l’endroit où nous mettons la tente ce soir, il est bon de savoir qu’à gauche du chemin c’est une zone avec restrictions, à droite on est dans la zone libre (Remote Zone). https://www.luontoon.fi/en/destinations/urho-kekkonen-national-park/services/hiking-services
La neige est comme d’habitude profonde et on prend un temps fou à la tasser pour y planter la tente. Et une grande surprise nous attend lorsque l’on sort la tente de la pulka. On l’avait rangée complètement mouillée et on la sort donc maintenant complétement gelée. Elle est rigide et on doit la déplier avec douceur. Cela prend du temps, et même lorsqu’on l’a finalement montée, il y a une fine couche de glace qui recouvre tout l’intérieur. Installer la tente nous a pris tellement de temps que le soleil est maintenant derrière les arbres et la température chute en dessous de zéro. Dans ces conditions il est impossible que la glace dans la tente fonde. On doit donc la gratter, en faire une sorte de granita et l’enlever à la main ; afin de mettre dans la tente la couverture de survie, puis les matelas et enfin les sacs de couchage. Mais quand on veut fermer la fermeture éclair de la tente, elle est gelée. Impossible de la bouger. On ne prend pas le risque de l’arracher, alors on ferme l’entrée de la tente comme on peut. Il est important de bien siliconer les fermetures éclairs avant le départ. C’est ce qu’on a fait. Mais a-t-on oublié quelques parties ? On est enfin installé, mais on n’a pas pu profiter du soleil et il n’est que 16h30. Trop tôt pour se mettre dans les sacs de couchages, et même trop tôt pour manger. Alors pour éviter de geler sur place, on tourne en raquette autour de la tente, comme les prisonniers de Midnight Express. On a bien tenté une promenade dans la poudreuse, mais on s’enfonce trop.
Les aventures ne s’arrêtent pas là. Lorsque l’on décide de faire fondre la neige pour les boissons et le repas du soir, on s’aperçoit que le réchaud ne fonctionne plus bien. Il produit une faible flamme qui fait que pour bouillir l’eau il nous faut presque deux heures. Alors on continue à tourner autour de la tente – il faut dire que la température continue à chuter – en attendant désespérément que l’eau soit suffisamment chaude pour les pâtes et les boissons. On est gelé et fatigué. Le moral de Sony est au plus bas, et ce qui devait être une belle fin d’après-midi au soleil, s’est transformé en la pire soirée du voyage. Reno démonte le réchaud afin de le réparer, mais sans succès. Cela nous inquiète un peu pour la suite, mais on verra bien.
On se glisse dans les sacs de couchage en espérant que demain sera une meilleure journée. Le thermomètre affiche -13°.
Jour 9 | Camp du Soleil – Rautulampi | 16.7 km | Dénivelé +362 et -252 | Couvert le matin, soleil l’après-midi et le soir, – 5°
La nuit a été belle, mais froide. Le réchaud ne s’est pas amélioré par miracle durant la nuit. On passe à nouveau un temps fou à faire faire fondre la neige pour le bircher et les boisons de la journée. Mais le ciel est beau lorsque l’on quitte le camp vers 11h.
On continue d’emprunter le chemin tracé qui remonte la vallée. On rejoint Suomonlatva, le Laavu où on est passé il y a quelques jours. On trouve quelques traces de ski doo que l’on suit. On décide de passer par le haut de la montagne afin de rejoindre Rautulampi. On voit où on doit aller mais sans savoir comment. Peut-être que le chemin passe derrière la colline suivante, que l’on commence à grimper. Mais on s’éloigne de notre objectif, qui se trouve soudain derrière nous au loin ! Le ciel est limpide et le soleil tape. Gros coup de stress et de questionnement. On fait une pause, et on en profiter pour ressortir les cartes et le Garmin afin de refaire un pointage à tête reposée.
Et heureusement que Sony se rappelle vaguement avoir entraperçu dans la vallée une petite trace qui partait vers la droite. De toute façon on ne peut pas continuer à s’éloigner de notre objectif, alors on décide de revenir sur nos pas, pour ensuite soit faire la trace dans la forêt, scénario catastrophe, soit trouver la piste de Sony en espérant qu’elle aille où on veut.
Après environ une demi-heure on trouve heureusement la mini trace qui monte vers la gauche et que l’on a croisé une première fois il y a environ 2 heures de cela. Avec le recul on se demande comment on a pu se tromper d’une telle manière. Cela nous semble maintenant tellement évident que nous allions dans la mauvaise direction ! Ce n’est pas la première fois que l’on se dit qu’on aurait dû, dès le premier doute, s’arrêter, faire une pause et réfléchir à tête reposée. Que cela nous serve de leçon !
On a aussi bien retenu qu’il faut, lorsque l’on est perdu, revenir en arrière afin de retrouver un point connu, et repartir de là. On a donc pris une bonne décision après en avoir pris une mauvaise. Cela ne nous a couté que deux ou trois heures d’effort, mais la facture aurait pu être plus salée.
Nous voilà rassurés, et commençons à grimper dans la forêt. Il fait toujours beau et lorsque nous quittons la limite de la forêt, un paysage paradisiaque s’offre à nous.
C’est comme dans un documentaire de la BBC, de la neige immaculée, de la forêt à perte de vue, quelques arbres isolés couverts de neige, un ciel bleu azur, et nous. On imprime chaque image, chaque seconde, dans nos mémoires. On monte lentement afin de prolonger le moment. Puisque nous sommes hors de la forêt, la neige est dure, et même nos traces sont presque invisibles. On passe d’un sommet à l’autre pour atteindre l’autre versant de la chaine de montagne et apercevoir en bas une petite vallée avec quelques arbres. On vérifie avec Garmin et la carte qu’il s’agit bien de l’endroit que l’on veut atteindre ce soir, Rautulampi, histoire de ne pas devoir ensuite remonter, et on se lance dans une magnifique descente en chasse neige de plusieurs minutes de courbes larges et élégantes ; un vrai plaisir.
On avait quitté la civilisation il y a 8 jours pour maintenant la retrouver sous la forme de ces fameux panneaux rouges en forme de croix qui indiquent l’existence d’une piste de ski de fonds. En l’occurrence, celle-ci part de la cabane Rautulampi en bordure du petit lac gelé pour rejoindre le mont Rautatunturit sur notre gauche.
Vers 16h on arrive à Rautulampi, un camp tout neuf composé d’un bâtiment central avec un espace dortoir libre d’accès et une partie sur réservation, un petit bâtiment de pause avec uniquement un poêle et une baie vitrée qui donne sur le lac gelé, et pour finir un bâtiment avec les toilettes sèches et la réserve de bois. Ces trois bâtiments sont en bouleau, sobres et épurés. Ils ont été refaits à neuf suite à l’incendie du dortoir il y a quelques années. La vue sur le lac gelé avec la lumière de fin de journée est féérique.
On décide de profiter du dortoir libre pour se reposer et reprendre des forces. Il s’agit d’un espace classique avec un petit coin cuisine avec deux réchauds à gaz, un poêle à bois, une grande table avec deux bancs et un dortoir avec mezzanine ; le tout en bois clair. Cela donne une ambiance différente de celle chaleureuse et cocooning des vielles cabanes en bois sombres uniquement éclairées par le foyer et la lumière bleue du soir ; mais l’espace est beau avec ses baies vitrées qui permettent probablement d’observer les aurores boréales au chaud.
Ce camp est un endroit prisé des finlandais, car il est en bout de piste et donc un objectif recherché depuis Saariselkä ou Kiloopää. Il y aura donc certainement du monde ce soir, ce qui nous conforte dans notre idée de dormir sous tente, comme on aime. On décide quand même, vu les problèmes avec notre réchaud de profiter de ceux de la cabane pour faire le plein d’eau chaude pour ce soir. Mais encore faut-il la trouver, l’eau. Reno prend le seau et va explorer les alentours afin de trouver le point d’eau qui s’avèrera être à l’embouchure du petit cours d’eau qui se jette dans le lac. L’accès est un peu risqué, car pentu et glissant, mais l’eau est fraiche et limpide. Cela nous permet de chauffer 3 à 4 litres d’eau.
Nous passons ce temps à échanger avec une fondeuse finlandaise qui se réchauffe et reprend des forces avant de retourner vers Kiloopää. Elle devra faire vite car le soleil se couche et la nuit arrivera vite, et le froid glacial avec elle, car le ciel est totalement dégagé, signe d’une nuit polaire.
Il est aussi temps pour nous d’aller planter la tente, avant que la nuit s’installe. On trouve à une vingtaine de mètres de la cabane un espace plat. Puisque nous sommes dans une sorte de combe, la neige est extrêmement profonde, et on passe un temps fou à l’aplanir pour y mettre notre tente. Et malgré tous nos efforts, on continue à s’enfoncer autour de la tente.
Monter la tente nous a épuisé et nous sommes frigorifiés car la température chute. Il fait -12° lorsque l’on prépare le repas à la lampe frontale. On sort notre réchaud et notre casserole pour préparer nos habituelles pâtes. On les met directement dans la casserole avec l’eau préchauffée ; cela devrait aller vite. On a faim car le froid pompe notre énergie. On doit bien remuer les pâtes afin de s’assurer qu’elles ne collent pas au fond de la casserole. Reno trouve quand même qu’il y a un truc qui cloche. Et il réalise que l’on a oublié l’assiette en plastic noir au fond de la casserole ; elle est donc en train de cuire avec les pâtes ! On stoppe tout. Heureusement les dégâts ne sont pas trop importants et nous sauvons autant l’assiette que les pâtes, que nous mangeons dans la tente, emmitouflés dans les grosses vestes polaires afin de nous protéger du froid. Ensuite on fait la vaisselle, et hop au lit. La température continue à chuter, et Sony n’arrive pas à se réchauffer, malgré la petite promenade. Elle est gelée. On décide pour la première fois d’utiliser les deux sacs de couchage. Le volume est immense et remplit presque tout l’espace de la tente.
Reno décide quand même de ressortir afin de photographier les aurores boréals. Il s’enfonce dans la neige jusqu’aux genoux, et le froid est prenant, mais cela en vaut la peine. Vers 21h il rejoint Sony, prend lui aussi le deuxième sac de couchage et entame une nuit de sommeil glaciale.
Jour 10 | Rautulampi – Saariselkä | 18.4 km | Dénivelé +314 et -359 | Beau, – 5°
On se lève vers 7h45, il fait froid, encore -5°. Il fait toujours beau, le ciel est dégagé. On décide de profiter de la cabane pour déjeuner au chaud. On y rencontre un couple de jeunes finlandais qui a dormis là et qui se prépare au départ. On s’installe à la table commune et on fait chauffer l’eau pour notre habituel bircher, ainsi que pour la journée. On sort les cartes et le Garmin pour planifier notre chemin. On prend notre temps, pour une fois que l’on est au chaud. On en profite aussi pour bien nettoyer nos affaires de cuisine. Mais on doit tout de même sortir pour plier notre tente et ranger notre matériel.
Il est 11h. On trouve le début de la piste de ski de fond, au bord du lac. Il ne s’agit pas d’une piste avec des rails, mais simplement d’une piste balisée. Pour la petite histoire, il est rare de voir des finlandais faire du skating, ils sont plutôt adeptes du ski de fond classique. On remonte une magnifique vallée au-dessus de la limite des arbres, une sorte de combe de plusieurs kilomètres. On voit de plus en plus de traces de rennes. On espère à chaque virage les voir, mais ce n’est que lorsque l’on arrive sur un plateau qu’on les aperçoit au loin sur une haute colline, une quinzaine de pixels noirs. Ils se sont tous regroupés là-haut pour brouter l’herbe qu’il y a sous la fine couche de neige balayée par le vent. On s’arrête assis sur nos pulkas pour profiter du soleil et reprendre des forces, car il y a eu quelques raidillons qui nous ont bien épuisé, sans parler d’une certaine fatigue après 10 jours de randonnée.
On rejoint finalement la piste de ski de fond principale, celle avec des rails et la piste de skating qui rejoint Saariselkä. Il y a tout de suite beaucoup plus de monde, c’est-à-dire une dizaine de skieurs. La piste est bien tassée et gelée, pas vraiment adaptée à nos SRN et nos pulkas. Le trajet devient moins agréable. On rejoint le Wilderness Café de Luulampi vers 13h50, un complexe en bois avec un grand bâtiment central dans lequel il y a un petit restaurant, où on s’arrête pour faire une pause. Il y a un grand feu ouvert au centre de l’unique pièce, les gants et vestes sèchent, pendus autour du foyer et d’un poêle à bois. L’ambiance est chaleureuse.
On se rue carrément sur les canapés au saumon et à la truite, ainsi que sur les quiches au jambon, et un bon chocolat chaud, et on rempile avec les Cinnamon Rolls. Cela nous change de la nourriture quotidienne et on se fait plaisir !
Puisqu’on est dans la zone du parc avec restrictions, on a planifié de dormir notre dernière nuit ici, mais il est tôt pour planter la tente. Avec ce petit break on a repris des forces et on n’a plus trop envie de replanter la tente. « Saariselkä n’est qu’à 11 km, c’est faisable en 3 heures d’efforts » lance Sony. Il est 14h50 lorsque nous quittons le camp sous un ciel à nouveau gris.
On emprunte la piste principale, ce qui signifie que l’on doit s’attendre à croiser des fondeurs, et donc que l’on doit être attentif. On décide d’être en bord de piste en montée et de profiter de la piste gelée pour les descentes. Ce n’est plus la belle neige des jours précédents, mais cela nous permet d’avoir un bon rythme.
Il ne s’agit plus maintenant d’avoir du plaisir, mais de rejoindre le plus rapidement possible Saariselkä et l’hôtel … que nous n’avons pas. On a réservé la chambre dès demain, mais on compte arriver un jour plus tôt. On ne capte pas le réseau sur la piste et on doit s’arrêter fréquemment pour essayer. Enfin on arrive à contacter l’hôtel. On explique notre situation et heureusement il reste de la place. La réceptionniste arrive même à faire en sorte que nous ayons la même chambre pour les trois nuits. Nous n’aurons donc pas à changer de chambre, avec tous notre matériel.
On entame les derniers kilomètres plus serein. On sait que ce soir nous dormirons au chaud dans un lit – et cela nous donne des ailes. On serpente le long de la rivière qui rejoint Saariselkä au fond d’une gorge. Le paysage est magnifique, mais la piste étroite nous oblige à rester sur la partie gelée.
A 18h on traverse le New Gate, le portail de Saariselkä, marquant ainsi la fin de notre périple, et 20 minutes plus tard on entre dans la réception de l’hôtel où la réceptionniste nous accueille avec un grand sourire. On ne doit pas être beau à voir ni à sentir après 10 jours de trek.
Nous démontons les pulkas et mettons tout le matériel dans notre chambre. Puis douche et pour finir, pizza au bar de l’hôtel, car il y a un immense groupe de touristes français qui occupe l’entier du resto. Toujours mieux que nos éternelles pâtes en sachet !
Le ciel est dégagé cette nuit et lorsque nous retournons à notre chambre nous voyons un groupe de touristes qui tente de photographier une aurore boréale depuis la place centrale de Saariselkä. Il n’y a pas beaucoup d’éclairage publique, mais suffisamment pour que l’on ne voit pas grand-chose ! Rien à voir avec ce que l’on peut observer depuis le milieu du parc. Cela se paye par des jours d’effort et une absence de confort ; mais cela en vaut la peine !
Jour +1 | Saariselkää | Jour de repos | Couvert le matin et beau le soir, – 1°
Bonne nuit de sommeil et grasse matinée bien méritée. Pour ne pas être dérangés nous mettons l’affichette Counting Reeindeers sur la porte de la chambre.
On déjeune à notre table habituelle, celle près de la fenêtre avec vue sur les environs enneigés. On prend notre temps, on en a. Ensuite on s’attelle au rangement de notre matériel ; on fait sécher les habits dans une armoire prévue à cet effet dans la chambre, bien pratique ; on aère les sacs de couchage et on les fait sécher sur les lits ; on trie la nourriture ; on met le reste de benzine dans une bouteille PET.
Sony téléphone à Maria, pour qu’on puisse rendre les pulkas. On lui demande aussi si elle est intéressée à récupérer notre essence – heureusement pour nous elle est d’accord !
Maria nous apprend une terrible nouvelle : 21 randonneurs à ski ont été évacués du Parc Urho Kekkonen ces derniers 6 jours. La cause : une grippe intestinale due à un virus !!! Les secours ont évacué les skieurs de Salonlampi, Rautulampi, Suomonruoktu, Tuiskukuru et Luirojärvi. Le service de secours informe que ces lieux sont à éviter la semaine prochaine. Incroyable, c’est pile poil notre trajet – nous l’avons échappé belle ! Et cela explique l’état des toilettes à Suomonruoktu ! Nous pensons que le fait d’avoir évité les cabanes et dormi en tente la plupart du temps nous a sauvé !
A midi on profite du buffet ; il y a étonnement peu de monde, tant mieux. On s’installe au bord de la fenêtre pour voir passer les « pingouins » qui vont faire du Ski-Doo, et augmenter ainsi la pollution sonore et olfactive de cette magnifique région ! Sony prend son temps et Reno va au rendez-vous devant l’hôtel pour le retour des pulkas et du 1,5 litre d’essence. Tout est en ordre. Une bonne chose de faite.
L’après-midi est consacré au shopping. On traverse le village pour rejoindre le Kukkeli et y acheter une louche pour sauna. On va ensuite au magasin Outdoor Partioaitta pour faire un peu de shopping : entre autres une magnifique hache finlandaise pour Reno, et des linges de saunas pour Sony.
On nous a avertis que le restaurant de l’hôtel serait plein ce soir ; on réserve donc une table chez Pirtto. Encore une peu de souvenir shop, et un peu de repos à l’hôtel.
On ressort en début de soirée pour aller au restaurant. Cette petite promenade, que nous avons fait déjà presque une dizaine de fois est chouette car elle traverse le village par sa rue centrale, toujours aussi blanche. Les trottoirs n’étant pas dégagés, ils restent toujours enneigés, et on continue d’être légèrement en dessous de zéro. Très agréable.
Très bon restaurant que le Pirtto : lappish delicacies, tris de poisson, blinis de poisson, sauted reeinder. Reno prend un dessert, et le serveur, sympa, apporte deux cuillères. Il prend soin ensuite de bien vérifier, avec un sourire, si Sony a utilisé la cuillère ou non !
Petite promenade digestive sous un ciel étoilé pour rejoindre l’hôtel, où on y retrouve les « pingouins » en train d’essayer de photographier une faible aurore boréale, sans grand succès. Le village n’est pas beaucoup éclairé, mais les quelques lumières suffisent pour avoir une faible pollution lumineuse qui empêche de bien voir les aurores boréales. On en profite un peu depuis notre balcon avant d’aller au lit, mais les aurores boréales sont toujours plus belles en photos qu’en vrai !
Jour +2 | Saariselkää | Jour de repos | Couvert avec un peu de soleil, 0°
Mince, notre table de déjeuner est occupée ! On finit de paqueter nos affaires, car demain matin c’est le retour, puis on décide de profiter de cette dernière journée pour aller au sommet des pistes de ski que l’on voit depuis le village – le Kaunispää. On va à pied jusqu’au départ des télésièges, une vingtaine de minutes. Le soleil est avec nous et le paysage est magnifique car plus nous montons, plus la vue sur les immenses et infinies forêts finlandaises s’amplifie. C’est grandiose ! Il y a une petite tour au sommet de la montagne, avec une vue à 360°. Il fait froid mais cela en vaut la peine … jusqu’à l’arrivée d’une trentaine de Ski-Doo ! Quelle plaie !
On en profite pour manger un plat chaud, puis on voit passer à toute vitesse une ambulance Ski-Doo, qui tire une luge fermée avec la place pour une personne assise ! Etrange. Elle a passé tellement vite que l’on n’a pas eu le temps de la prendre en photos. On espérait voir le fameux Sokosti depuis la hauteur de la station, mais, rien à faire, il se dérobe toujours à nous. Il se trouve à 37 km de nous, mais il reste dans les nuages.
Sur le retour, on en profite pour aller voir le Aurora Day Hut, l’endroit où tout le monde va le soir pour admirer les aurores boréales. Il est vrai que l’endroit est isolé de toute pollution lumineuse et offre une belle vue vers le nord. Le chemin d’accès est assez pentu, et les piétons que nous sommes ne sont pas à l’abris d’une chute. On y trouve, près de la cabane, une famille qui fait une grillade de ces fameuses saucisses finlandaises, une tradition.
De retour à l’hôtel et pour notre dernière soirée nous aimerions profiter d’un sauna finlandais. Il n’y en a pas dans notre chambre, alors on passe à la réception pour se renseigner. On nous informe que l’on peut réserver un sauna privé. On craint un peu le prix, mais quand la sympathique réceptionniste nous informe que cela coûte 50€ pour deux heures, elle a dû voir notre grand sourire. Elle nous demande même à quelle température on souhaite qu’elle le préchauffe ! Elle nous informe que la tradition finlandaise veut que le sauna soit à 80° ; alors va pour the finnish standard. Le sauna privé n°2 sera prêt dans deux heures, le temps de continuer à préparer nos bagages.
Quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous ouvrons la porte qui mène au sauna ; on a même cru s’être trompé car elle s’ouvre sur un immense salon, avec canapé d’angle, terrasse, foyer ouvert, bar. Après une hésitation on entre, et, passé le salon, on arrive dans un grand vestiaire, qui donne sur des toilettes privées, puis sur des douches, et finalement sur le sauna. Le tout doit être aussi grand que notre logement à Lausanne ! On estime que le sauna est prévu pour 10 personnes, mais il est pour nous tous seul pendant deux heures, et on en profite. On allume la cheminée, on prend les pantoufles et on commence nos trois tours de sauna, avec chaque fois un moment de repos devant le feu de cheminée. Juste parfait ! On finit réellement en beauté, on avait vraiment besoin de ce moment. Rien de mieux qu’un sauna pour nous remettre en forme après ces 10 jours d’aventures !
On finit d’équilibrer nos bagages de 23 kilos chacun et on prend notre dernier repas au restaurant « A la Carte » de l’hôtel : les habituelles Lappish Delicacies, avec un exquis cèleri-fromage, puis l’Artic Char.
Quelle journée !
Jour +3 | Saariselkää – Ivalo – Zurich – Lausanne | En taxi, avion, train, et à pied | Couvert, +1°
On se lève à 5h45 pour un transfert à 6h45. C’est trop tôt pour le déjeuner, alors la réceptionniste nous offre deux sandwichs et deux barres de chocolat. On a réservé notre transfert avec la même compagnie de taxi et on a le même chauffeur que pour l’aller – en 25 minutes on est à l’aéroport d’Ivalo.
Tout se passe en douceur à l’aéroport ; Sony a eu droit à un Random Security Check. On craint toujours la limite de 23 kilos par sac, mais celui de Reno fait exactement 23 kilos au gramme prêt, belle performance. Mais ce poids lui coute une roulette ou plutôt à son sac Tatonka ! On prend le temps de déjeuner en observant depuis la baie vitrée le balai des chasse-neiges à brosse rotative – impressionnant !
Le vol se passe sans problème, malgré un peu de retard. Nous devons attendre notre correspondance 5 heures à Helsinki. On se promène, on visite, on fait un dernier shopping, on mange un hamburger, on boit un smoothie, puis un espresso, et les 5 heures sont vites passées – mais on n’a plus droit à la Finnish Lounge, puisque pour les vols de retour on est de nouveau en classe Eco. Sony passe d’ailleurs ces 5 heures d’attente en pantoufles – car elle a un trou de la taille d’une pièce de 5 francs dans la chair de son talon droit, petit souvenir de notre périple – ce qui ne l’empêche pas de faire chauffer la carte de crédit !
Le vol sur Zurich est une formalité, et nous arrivons tard à la gare de Lausanne. Reno décide, on ne sait pas vraiment pourquoi, de rentrer à pied avec les trois gros sacs de 23 kilos et le sac de ski ! Nos corps meurtris s’en souviennent encore. On a dû mettre entre 20 et 30 minutes.
Boot Camp jusqu’à la fin ! Mais quelle merveilleuse aventure !