Nr. 56 – Lötschberg Panoramaweg: du Kiental au Lötschental en autonomie
Septembre 2018
On voulait, après des années de randonnées à vélo, changer de plaisir et se lancer dans les randonnées à pied, et tenter la Kungsleden en Suède (que finalement nous avons faite en hiver – voir Laponie suédoise en skis et pulka). Il était donc important de s’entrainer, d’abord sur des moyennes distances. On a déjà souvent fait des promenades d’une journée ou deux en montagne, et un trek de 10 jours en Valais, mais là, en prévision de la Kungsleden, nous avons acheté une nouvelle tente, qu’il nous fallait impérativement tester.
Pour cela nous avons cherché un trek de 4 jours, en montagne, et jeté notre dévolu sur une randonnée officielle, le N° 56.
25 août 2018
Sous un ciel gris et menaçant, chargés avec nos sacs à dos et la nourriture pour 5 jours, nous prenons le train pour Viège, Spiez et Reichenbach. Là, sous la pluie, nous prenons un petit bus fameux pour pouvoir grimper sur des pentes abruptes. Et nous remontons la vallée de Kien pour rejoindre le début de la N° 56, le camping Blüemlisalp. Nous montons, pour la première fois notre tente Cetus II UL de Exped, dans la petite partie réservée aux campeurs, avec vue sur la dense forêt environnante. La plus grande partie du camping est, comme souvent en moyenne montagne, occupée par des résidents permanents.
Il pleut toujours. L’accueil est chaleureux, et les sanitaires sont très propres et modernes, ils se trouvent dans le bâtiment principal, dans lequel se trouve aussi le restaurant. Nous y mangeons un bon morceau de viande, car après ce sera tortellinis pour quelques jours. Le repas est excellent, bien servi et pas cher.
26 août 2018
Le début de la randonnée vers 9h40, avec seulement quelques nuages, mais sans pluie, à quelques centaines de mètres du camping, n’est que montées et raidillons, car nous devons rejoindre une certaine altitude à partir de laquelle le chemin panoramique (plus ou moins plat) porte bien son nom. Mais pour l’instant on grimpe jusqu’en haut du télésiège, pour ensuite descendre la vallée de Kien à flanc de montagne jusqu’à un magnifique point de vue sur le Niesen et le lac de Thun. Après une petite pause, toujours à flanc de montagne, on monte la vallée de Kander, parfois à travers champs, parfois à travers la forêt, jusqu’à Kandersteg. Nous sommes épuisés, les sacs de 20 kilos pour Reno et 18 pour Sony scient les épaules, Reno a mal au dos, mais nous devons encore trouver le camping, qui est bien évidemment de l’autre côté du village. Nous plantons finalement la tente en haut du camping, avec une belle vue sur la vallée, après 19 kilomètres en 7 heures 40 de marches, et 1’200 mètres de dénivelés positifs.
Les tortellinis sont agrémentés par le spectacle d’un couple de motard qui tente, désespérément mais finalement avec succès, de mettre un immense matelas gonflable dans une minuscule tente.
27 août 2018
Départ après une bonne nuit de sommeil, vers 10h. On rejoint rapidement le départ du téléférique qui mène au Sunnbühl, mais nous bifurquons vers la gauche et pénétrons dans la gorge qui marque l’entrée du Gasteretal. Cette gorge est magnifique car le torrent y est puissant, et le chemin abrupt. Une fois qu’on la quitte, on entre dans cette verte vallée, large, et entourée de falaises. C’est un grand plateau avec des vaches, deux auberges et un ruisseau qui serpente et offre de nombreux coins paisibles et silencieux. Il faut préciser que les voitures ne peuvent y entrer qu’avec une permission.
Nous remontons cette vallée pour entrer, après Selden, dans le patrimoine mondial de l’Unesco que sont les alpes suisses Jungfrau-Aletsch. Le fond de la vallée est de moins en moins plat, et nous cherchons pendant longtemps un coin pour bivouaquer ; il fait tellement beau que ce soir on dormira sous les étoiles. Tout ce que nous trouvons finalement c’est un pâturage en dévers, avec des pierres et des bouses de vaches. Nous déplaçons quelques pierres et Reno construit un petit mur afin que nos sacs de couchage ne glissent pas en bas de la pente. Une fois notre camp installé, et récupéré quelques litres dans le torrent, on voit une centaine de mètres plus loin, un paysan qui va vers ses vaches, qui sont plus haut dans la vallée, et une heure plus tard, on entend le tintement des cloches qui se rapproche. On fait comme si de rien n’était, et on espère avoir tort, mais cela semble évident que les vaches viennent vers nous. On s’est mis exactement sur le bout de pâturage du paysan pour cette nuit. Il est tout étonné quand il nous voit, mais engage chaleureusement la discussion ; même si à la fin on doit quand même remballer nos affaires, remettre les pierres où on les a prises, et mettre notre camp, sur ses indications, plus loin. Ce qui est mieux pour éviter les léchouilles baveuses.
28 août 2018
Réveil sous un soleil radieux après une belle nuit de sommeil sous les étoiles, avec une température idéale.
Vers 8h, on redescend vers Selden, on traverse le pont qui nous rappelle que Sony a le vertige et on entame la montée jusqu’au Lötschenpass. Le début dans la forêt est impressionnant, car on longe le torrent vertigineux qui plonge dans la vallée. La pente est raide, mais on monte dans un bon rythme et les dénivelés augmentent régulièrement. Lorsque l’on dépasse la limite des arbres, le panorama est superbe, et on arrive bientôt sur un alpage, unique répit avant de pénétrer dans un monde de cailloux et de rochers, où seules quelques lichens survivent. On traverse ensuite le glacier Lötschegletscher qui est couvert de pierres tombées des falaises qui le bordent. Il a dû être magnifique un temps, mais maintenant il ressemble plus à un champ de pierres et de névés qu’à un glacier de haute montagne. On suit quand même les panneaux sur un kilomètre, on ne sait jamais … Il n’est pas nécessaire d’avoir du matériel de haute montagne pour le traverser dans des conditions normales, mais on est à 2400 mètres d’altitude !
Et on continue de monter, et parfois de grimper, toujours avec des sacs bien lourds, limites parfois dans les passages délicats. Mais nous sommes récompensés lorsque nous arrivons enfin, vers 13h30, et après un dénivelé de 1’314 mètres au Lötschenpass, où d’excellents röstis faits maison nous attendent, dégustés sur la terrasse, au soleil, un peu à l’abris du vent qui souffle. Après avoir débuté ce trek dans le canton de Berne, nous sommes maintenant en Valais, l’occasion pour nous d’essayer de comprendre avec difficulté le haut-valaisan, langue étrange, mais charmante ! La serveuse nous a dit que les toilettes sont sur Berne, et la cabane sur le Valais ! Pas très sympa comme répartition.
Il est trop tôt pour s’arrêter, et nous ne voulons pas profiter du refuge, ni planter la tente au col. Malgré l’altitude (et le froid qui va certainement arriver), nous décidons de redescendre un peu afin de trouver une place pour bivouaquer. Et après quelques centaines de mètres, nous trouvons vers 16h un léger plateau avec un petit lac de montagne. L’endroit est paradisiaque, avec le Bietschhorn de l’autre côté du Lötschental qui se reflète dans le lac calme comme dans un miroir. On installe le camp derrière un gros rocher, un peu à l’abris du vent, en espérant que les Pieds Noirs qui nous entourent ne viennent pas nous léchouiller durant la nuit, car nous laissons la tente dans le sac à dos et dormons à la belle étoile.
Lorsque les heures bleues arrivent, la température chute, mais c’est l’occasion de faire des photos, avant de se glisser dans les sacs de couchage.
29 août 2018
La nuit était froide, on peut même dire glaciale, grâce au ciel entièrement dégagé ; idéal pour faire des photos.
On admire le lever de soleil, qui nous réchauffe un peu lors du déjeuner, puis c’est le départ vers 9h pour une longue descente à flanc de montagne. Le temps est beau, la température agréable pour marcher. Même si après quelques heures, on regrette la montée, car les genoux commencent à souffrir. On s’accorde alors une pause bien méritée au milieu d’un immense champ de myrtilles. On n’en a jamais vu autant, il y en a à perte de vue. Lauchernalp est certainement le paradis des baies préférées de Reno, et on en profite.
Notre périple se termine vers 15h à Fafleralp. Le ciel devient gris, et quand nous grimpons dans le car postal pour rejoindre la gare de Goppenstein, il commence à pleuvoir. Nous avons eu beaucoup de chance. Synchronisation parfaite.
Plus de 50 kilomètres pour un dénivelé total positif de 3’200 mètres et négatif de 2’300 mètres nous ont fait du bien, et ce chemin porte vraiment bien son nom. On en a eu plein les yeux, même si on a été gâté par la météo.